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LE COMBATTANT
2 décembre 2016

PRESIDENTLAURENT GBAGBO:" Les socialistes français ont un complexe… ils veulent faire croire qu’ils gouvernent comme la droite."

 

      La grille de lecture de la France pour les affaires africaines est dictée « d’en haut », de l’Elysée, au nom des intérêts économiques, stratégiques, et politiques de la France. Ce fut aussi le cas sous Mitterand, qui n’hésita pas à nommer son fils Jean-Christophe à la tête de la cellule africaine de l’Elysée, dont il avait critiqué l’existence sous De Gaulle. Avec François Hollande, plus de cellule africaine. Mais le Président garde la haute main sur l’Afrique, « théâtre le plus visible du partenariat entre la France et les Etats-Unis », expliquait le communiqué commun de l’Elysée et de la Maison Blanche avec une franchise inhabituelle sur ce sujet, avant le voyage de Holland aux Etats-Unis, en février 2013. Au moins y perçoit pragmatique et décomplexée que la « Françafrique » ?

       François Hollande, il venait me voir à mon hôtel chaque fois que j’étais à Paris. Je n’en ai jamais rien attendu, et je n’en attends rien. Les avocats de Ouattara ici, à La Haye, sont ses amis intimes, Jean-Paul Benoit, et Jean-Pierre Mignard. Ouattara ne les a certainement pas choisis au hasard. Il sait ce que lobbying veut dire…

        Les socialistes français ont un complexe… ils veulent faire croire qu’ils gouvernent comme la droite. Au début des années 2000, Villepin les a tous manipulés, en leur disant le monstre que j’étais… Ils ont eu peur d’être éclaboussés, ils m’ont lâché. « Gbagbo est infréquentable », a dit Hollande à ce moment-là…  Parce que je n’organisais pas d’élection… dans un pays occupé par des hommes en armes, en état de guerre permanente, avec un corps électoral non défini du fait de l’absence de recensement à cause de la guerre. Pour parvenir à un véritable recensement, il me fallait la coopération des rebelles et ils ne s’y sont engagés qu’en 2010. Mais alors c’était un piège puisque que la société organisant le recensement a « couvert » l’inscription de dizaines de milliers de faux électeurs. C’était une société française obéissant aux Autorités françaises.

        Les procès d’intention j’ai l’habitude, pour moi, rien ne change : en 1990, quand j’ai osé me présenter contre Houphouët, après mes années d’exil à Paris, dans les premiers élections pluralistes, les plus gentils parmi « mes amis socialistes » me donnaient 1%... J’ai eu 18,3%... Après, ils m’ont tous invité.

        Il y en a, pourtant, dont je ne dirais rien de mal, même si ils n’étaient pas favorables, comme Dominique Strauss-Kahn. Il connaissait mieux Ouattara que moi, à cause du FMI. Je l’ai rencontré deux fois pour résoudre des problèmes quand il était président du FMI. Une fois à Ouagadougou avec les dirigeants de l’Ouest africain de la zone CFA. Une autre fois, je lui ai téléphoné pour lui demander de venir pour parler de la crise de l’endettement, et de la Côte d’Ivoire. Il est venu. Nous avons eu une excellente séance de travail avec les ministres de mon gouvernement. Il est brillant, bosseur. Il maîtrisait bien les dossiers, et ça s’est bien passé avec lui. Il n’était ni arrogant, ni interventionniste dans nos dossiers africains. Je lui ai parlé avant les élections présidentielles françaises de 2012. Je lui ai demandé « s’il y allait ». Il m’a répondu qu’il devait en parler avec Martine Aubry, qu’il voulait son avis. Il écoutait, entendait, même s’il n’était pas pour moi. Tout comme Jean-Louis Borloo, que j’ai rencontré à Yaoundé où je m’étais rendu pour le cinquantenaire de la réunification du Cameroun, à l’invitation de Paul Biya, le 20 mai 2010. Il m’a proposé que nous nous voyions. Je lui ai donné le numéro de ma suite au Hilton Yaoundé, et il est venu, en toute simplicité. Nous avons échangé à bâtons rompus pendant trois quarts d’heure. Ces deux-là, jamais ils ne m’auraient fait bombarder…

        Avec Dominique Paillé, député UMP, j’ai eu de bonnes relations aussi. C’est un homme ouvert, comme les deux premiers, avec une capacité d’écoute. Leur approche, ce n’est pas celle de Mitterand, de Chirac, et avant eux de Gaulle, qui avaient encore en tête des modes de pensées anciens. Les trois que j’ai cités connaissaient les dossiers, et leur culture leur permettait de ne pas être toujours cocardiers. Même s’ils ne vous sont pas favorables, ils vous écoutent, vous entendent, vous respectent.

         Sarkozy, c’est autre chose. Je l’ai rencontré pour la première fois à New York, à l’ONU, en 2007. C’est Robert Bourgi qui m’avait suggéré de faire le déplacement, pour voir le nouveau président, après tous les problèmes que j’avais eus avec Chirac. Je n’avais donc aucun a priori négatif, bien au contraire. Il a quitté l’aire réservée aux cinq membres du Conseil de sécurité dès qu’il m’a vu, et il est venu me serrer la main. « Président, ces élections, vous les faites quand ? » m’a-t-il jeté, comme ça… Je lui ai juste répondu qu’il fallait être patient, et que je n’étais pas seul en cause. La discussion s’est faite, débout, et elle s’est arrêtée là. Chez lui, à la place des idées, il y a l’arrogance. Georges W. Bush était le symbole achevé de ce type d’homme. Ce sont des hommes sans pensée profonde. C’est comme cela qu’ils croient montrer que la France est grande, alors qu’ils prouvent seulement qu’elle est devenue petite. Nous, nous sommes petits, et faibles, alors ceux qui ont de gros muscles croient qu’ils sont plus intelligents. Mais quoi ! C’est de notre pays qu’il s’agit !

         Mais depuis la chute du mur de Berlin, la pensée politique s’est affaissée en occident. En Asie, en Amérique du Sud, en Afrique, il y a encore chez certains cette aspiration à donner du sens, à porter une vision…  Le spectacle de la vie politique française m’attriste. Vos débats publics et vos interrogations sociétales montrent l’abaissement du niveau de la culture générale et de la pédagogie : le mariage pour tous ? mais l’empereur César ne disait-il pas être « L’homme de toutes les femmes et la femme de tous les hommes » ? L’Occident s’effraye du djihad musulman, mais il y eu un djihad chrétien, au temps des ordres de moines guerriers, comme les Templiers, et les Amériques ont été conquises et colonisées au nom des roi catholiques et au nom du Christ…

         Le dernier véritable homme politique en France, parmi ceux que j’ai eu à connaître au pouvoir, c’était Jospin. Il avait une pensée politique, une éthique. Chirac se contentait de gagner les élections il ne gouvernait pas.

         J’ai connu Lionel Jospin quand il a été Premier ministre. Il a refusé l’intervention militaire française quand Bédié a été renversé, et il a bien fait. Il nous a laissés gérer seuls nos affaires, mettre en place notre Constitution, avancer.  Ni indifférence, ni ingérence, disait-il, je crois. Il mettait en pratique ses idées, ses principes, et il était intègre. Lui, au moins, on ne l’imagine pas téléphoner en Afrique pour demander du fric…

        Quand De Gaulle brave les grandes puissances pour dire que la France aura la bombe atomique, et donc son indépendance, quand Mitterrand parle de fusées à moyenne portée au Bundestag allemand, c’est une autre dimension de la politique. J’ai relu les œuvres de De Gaulle, et le livre de Roland Dumas sur Mitterrand, les temps ont bien changé ! Je n’en ai même jamais voulu à Mitterrand d’avoir toujours soutenu Houphouet-Boigny. Ils avaient appartenu aux mêmes gouvernements, ils étaient amis. Houphouet rendait tous les services possibles à la France en Afrique. De plus, il y avait la guerre froide est-Ouest, et tout le monde occidental soutenait Houphouët et lui pardonnait tout : c’était vraiment une autre époque…

        En 1970, il n’y eut aucune protestation française quand Robert Guéï, sur l’ordre de Félix Houphouët-Boigny, mata la dissidence Bété – opposée aux Baoulés, l’ethnie de Houphouët – dans la région de Guébié, tuant entre 4000 et 6000 personnes. Un génocide dont les survivants réclament toujours, en vain, réparation. Qui aurait osé déranger le Vieux Sage de l’Afrique, notre ami, pour si peu ?

EXTRAIT DU LIVRE LAURENT GBAGBO SELON FRANCOIS MATTEI

POUR LA VERITE ET LA JUSTICE

gbagbo_au_micro

 

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