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LE COMBATTANT
19 novembre 2020

Laurent Gbagbo : “Nous sommes pour le dialogue, mais nous faisons cette guerre parce qu’elle nous est imposée”

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Photo d'Archives et d'illustration

 

Ivoiriens, Ivoiriennes,
Chers compatriotes,
Depuis les 18 et 19 septembre 2002, une armée sans visage nous a imposé une guerre. Les régions de Bouaké et de Korhogo ont été envahies. La Ville d’Abidjan a été investie. Le camp de gendarmerie d’Agban, l’Ecole de gendarmerie, le domicile du commandant supérieur de la gendarmerie ont été attaqués. La BAE (Brigade anti-émeute) a été attaquée. Les domiciles des ministres de l’Intérieur et de la Défense ont été attaqués. Et le ministre de l’intérieur, Emile Boga Doudou, a été froidement abattu… Le même jour et la même nuit, nos forces armées ont libéré Abidjan. Hier, 7 octobre 2002, nos troupes sont entrées dans la ville de Bouaké. Bien entendu, cette ville n’est pas totalement sous le contrôle de nos troupes. Quelques quartiers abritent encore des ennemis que nous n’avons pas encore réussi à déloger.
Mais, en ce moment précis de notre histoire, je voudrais rendre l’hommage de la Nation à nos Forces armées nationales, à nos Forces de gendarmerie, à nos Forces de police qui, malgré la situation injuste qui leur a été imposée, malgré les attaques injustes, ont libéré la plus grande agglomération de Côte d’Ivoire, Abidjan, et qui sont en train de libérer la deuxième ville, Bouaké. Honneur aux Forces armées,
Honneur à la population ivoirienne,
Honneur aux jeunes,
Honneur aux femmes.
Je voudrais aussi saluer la mémoire de toux ceux qui sont morts dans ce combat injuste : les hommes politiques, les officiers, les soldats. Je voudrais saluer la douleur et la peine de ceux qui sont blessés. Je voudrais saluer la tristesse de leurs familles.

Chers compatriotes, un problème est aujourd’hui à l’ordre du jour dans ce conflit, dans cette guerre sale : la médiation de la CEDEAO. Oui, je suis pour le dialogue !
Comment pouvons-nous penser que celui qui, dès 1987, a lancé l’appel de la voie pacifique à la démocratie peut être contre les discussions ?
Comment peut-on penser que celui qui, en 1990, a choisi de façon délibérée d’aller aux élections pour montrer la voie, tourne le dos au débat, à la discussion ?
Comment peut-on penser que celui qui a lancé la formule “Asseyons-nous et discutons” tourne le dos à la voie de la discussion ?
Comment peut-on penser que celui qui a organisé, sans que rien ne l’y contraigne, le Forum pour la réconciliation qui a duré trois mois et qui a donné la parole à tous ceux qui voulaient la prendre refuse d’emprunter le chemin de la discussion ?
Je suis pour la discussion, je ne suis pas pour la guerre. Cette guerre, nous la faisons parce qu’on nous l’impose. Je suis pour la paix par le débat, par la discussion.
Quand le président Abdoulaye Wade, président en exercice de la CEDEAO, nous a fait la proposition d’un sommet extraordinaire sur la situation en Côte d’Ivoire, j’ai immédiatement accepté. J’ai seulement souhaité que cette réunion se tienne à Accra, à 40 mn d’Abidjan, au lieu de se tenir à Dakar, à 3 heures de vol d’Abidjan, pour des raisons évidentes. Dans la période de ce combat, moins je suis absent de Côte d’Ivoire, mieux ça vaut. Plus je suis présent en Côte d’Ivoire, au milieu du peuple, au milieu des soldats, mieux cela vaut…

 

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Photo d'Archives et d'illustration


Je me réjouis de la tenue du sommet d’Accra et cela, pour plusieurs raisons.
- Sur quinze chefs d’Etat de la CEDEAO, onze étaient présents. Ce qui montre l’intérêt que les Etats de la région accordent à la paix et à la stabilité de la Côte d’Ivoire.
- A Accra, nous avons reçu le soutien unanime des chefs d’Etat de la CEDEAO. Tous ont soutenu la Côte d’Ivoire dans son combat juste et ont reconnu que le gouvernement de Côte d’Ivoire était le seul gouvernement légal, légitime et constitutionnel. Et que, par conséquent, il fallait tout mettre en œuvre pour le soutenir.
- Le sommet d’Accra a été aussi l’occasion pour le chefs d’Etat de la CEDEAO de condamner de façon unanime et massive l’agression dont notre pays fait l’objet et de condamner les agresseurs pour lesquels ils n’ont pas eu assez de mots durs.
Le sommet a adopté vingt résolutions rassemblées dans un communiqué final. Ce communiqué final, en ses résolutions 8 et 9, indique clairement que la CEDEAO doit prendre contact avec les assaillants et leur demander de déposer les armes. Une fois les armes déposées, la CEDEAO invite le gouvernement de Côte d’Ivoire à engager la discussion avec les assaillants déjà désarmés. C’est ce que nous avons décidé à Accra et c’est ce que le gouvernement de Côte d’Ivoire a accepté. C’est ce que notre président a accepté.
Je pense que la première mission de la CEDEAO effectuée à Abidjan s’est un peu écartée de ce schéma. C’est pourquoi il y a eu le malentendu. C’est pourquoi, après le départ de la mission, j’ai appelé tous mes pairs de la CEDEAO, ainsi que le Secrétaire général de l’ONU qui, d’ailleurs, nous a délégué un porte-parole qui est encore avec nous, pour leur dire que je ne peux pas entrer en négociation avec les assaillants avant qu’ils n’aient déposé les armes (…) Entrer en négociation avec les assaillants pour leur demander de déposer les armes, c’est déjà les reconnaître et les légitimer. C’est aussi légitimer l’occupation des villes de Côte d’Ivoire. Pour contourner cette difficulté, nous sommes tombés d’accord qu’il fallait que la CEDEAO elle-même, par l’intermédiaire de son groupe de contact, discute, négocie avec les assaillants et obtienne d’eux qu’ils déposent les armes. A partir de là, tout était possible. A partir de là, tout est possible.
Au moment où je vous parle, mes chers compatriotes, je viens encore de parler avec le Secrétaire général des Nations unies. Je viens encore de parler avec le président Abdoulaye Wade qui a compris la position de la Côte d’Ivoire. Si la Côte d’Ivoire faiblit et donne une légitimité quelconque aux assaillants, ce sera fini pour la légitimité de tous les pouvoirs africains. Il suffira alors que n’importe quelle bande se donne quelques armes et elle fera plier n’importe quel gouvernement africain.
Souvenez-vous, nos Etats sont fragiles. Nous n’avons pas le droit de les fragiliser encore plus. Souvenez-vous, nous avons des Etats, nous n’avons pas encore des nations totalement construites. Nous n’avons pas le droit de donner à toutes les bandes des occasions de se signaler et de se légitimer sur le dos de la loi…

Propos recueillis par César Etou, Notre Voie (Côte d'Ivoire), 09 octobre 2002

 

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