Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
LE COMBATTANT
18 septembre 2020

CPI : Information à la Chambre d’Appel faisant suite à sa décision du 2 septembre 2020.

maitrealtit

I. Rappel de la procédure.
1. Le 26 novembre 2019, La Chambre d’appel indiquait dans sa « Decision on Mr Gbagbo’s requests for extension of time, translations and correction of transcripts » qu’à reception de la version révisée des Motifs du Juge Henderson « which is expected in July 2020, Mr Gbagbo may file a request to supplement his response to the Prosecutor’s Appeal Brief, if necessary » .
2. Le 17 juin 2020, la Chambre d’appel rappelait dans sa « Decision rescheduling the hearing before the Appeals Chamber » que « it has already provided counsel for Mr Gbagbo with the opportunity to seek leave to file further submissions if necessary, once this document has been received, and considers that there is no reason for altering this approach » .
3. Le 24 juillet 2020, le Procureur déposait une « Prosecution request regarding Mr Gbagbo’s potential request for leave to supplement his response to the Prosecution’s Appeal Brief » dans laquelle il demandait à la Chambre d’appel de « fix a reasonable date by which Mr Gbagbo is to file any request for leave to supplement his Response. The Prosecution further requests the Chamber to direct Mr Gbagbo to concretely identify and explain why the arguments in his Response may need to be supplemented, if at all » .
4. Le même jour à 17h40, soit plusieurs heures après le dépôt de sa requête par le Procureur, la version définitive de la traduction française des Motifs du Juge Henderson était officiellement notifiée aux Juges, aux Parties et aux participants.
5. Le 6 août 2020, la Défense déposait des observations portant sur la requête du Procureur du 24 juillet 20205. Elle y soulignait que : « La version définitive, comptant 1012 pages, de la traduction des Motifs du Juge Henderson ayant été notifiée aux Juges, aux Parties et aux participants, il revient à la Défense, en application de la décision de la Chambre d’appel du 26 novembre 2019, de l’analyser. Plus précisément, il lui revient de comparer les deux versions françaises (la version non-définitive et la version définitive) de la traduction pour identifier ce qui a pu changer d’une version à l’autre et déterminer les conséquences logiques et juridiques que ce changement entraîne dans la compréhension de l’argumentation du Juge Henderson. A noter que ce travail d’analyse comprend la vérification de toutes les notes de bas de page. C’est à l’issue de cette analyse que la Défense sera en mesure de déterminer ce qui doit être modifié ou pas dans sa réponse au mémoire d’appel du Procureur. C’est donc à un travail d’analyse minutieux que doit se livrer la Défense » .
6. Le 2 septembre 2020, la Chambre d’appel rendait une « Decision on the Prosecutor’s request to set a time limit for any request by counsel for Mr Gbagbo for leave to supplement his response to the appeal brief » dans laquelle elle décidait de « set a deadline for counsel for Mr Gbagbo to file any request for leave to supplement his Response. The request, if any, should be filed by 17 September 2020, and it should identify which arguments of his Response specifically need to be supplemented in light of the revised French translation, and explain why. Should counsel for Mr Gbagbo not intend to file any such request, it should inform the Chamber, the parties and the Victims accordingly at the earliest opportunity » .
II. Discussion.
7. L’analyse de la version française définitive des Motifs du Juge Henderson fait apparaître que les réviseurs ont modifié nombre de formulations et/ou corrigé de nombreuses erreurs qui se trouvaient dans la version provisoire.
8. Il convient de remarquer que ce travail de révision était donc absolument nécessaire pour que les Juges et les Parties disposent d’une version française des Motifs plus fidèle à la pensée du Juge Henderson.
9. La Défense a tout d’abord comparé les deux versions françaises (la version provisoire et la version définitive) des citations des Motifs qu’elle avait utilisées et les deux versions françaises des renvois aux Motifs qu’elle avait effectués dans sa réponse au mémoire d’appel pour déterminer ce qui avait été modifié – entre les deux versions – et ce qui ne l’avait pas été. La Défense a remplacé dans sa réponse au mémoire d’appel du Procureur les anciennes formulations de la version provisoire par les nouvelles formulations de la version définitive, ce qui explique que la Défense dépose parallèlement à la présente note d’information, un corrigendum de sa réponse au mémoire d’appel du Procureur dont la note explicative (portée en annexe de ce corrigendum) donne le détail des substitutions.
10. La Défense a procédé à une analyse approfondie des modifications apportées par les réviseurs à la version française provisoire des Motifs du Juge Henderson pour vérifier si ces modifications exigeaient de reprendre en partie sa réponse au mémoire d’appel du Procureur.
11. Après analyse, il apparaît qu’il n’est pas nécessaire de déposer des soumissions complémentaires à la réponse de la Défense au mémoire d’appel du Procureur.
12. Néanmoins, la Défense attire l’attention de la Chambre sur les points suivants :
13. Premièrement, il convient de noter que la Défense n’est pas en mesure de déterminer si la traduction française définitive des Motifs du Juge Henderson correspond bien à l’original anglais.
14. Il n’appartenait pas à la Défense de procéder à la vérification de l’exactitude de la version française par rapport à l’original anglais ; la Défense s’est contentée d’examiner l’original anglais de quelques-unes des citations qu’elle a utilisées dans sa réponse. Des imprécisions subsistent.
15. Par exemple, l’expression « a combination of circumstantial evidence » au paragraphe 87 de la version anglaise des Motifs du Juge Henderson a été traduite par « un ensemble de preuves indirectes » dans la version définitive française, ce qui n’est pas exactement la même chose.
16. Autre exemple, l’expression « In addition to the evidentiary considerations outlined above » au paragraphe 1888 de la version anglaise des Motifs du Juge Henderson a été traduite par « en plus des considérations relatives à l’administration de la preuve dont il est question plus haut », ce qui n’est pas la même chose, puisqu’ici, le Juge Henderson ne fait pas référence à « l’administration de la preuve » comme standard juridique, mais de manière plus générale à l’analyse que les Juges ont effectuée de la preuve du Procureur et aux considérations qu’ils en ont tirées sur la faiblesse de cette preuve.
17. Ces deux exemples donnent à penser qu’il pourrait subsister des erreurs de traduction de l’anglais au français ce qui aurait pour conséquence que le public francophone ne disposerait que d’un document ne reflétant pas exactement la pensée du Juge Henderson.
18. Deuxièmement, la Défense a identifié soixante-sept citations des Motifs qu’elle avait utilisées dans sa réponse ayant fait l’objet d’une correction par les réviseurs. La Défense a donc substitué dans le corrigendum de sa réponse ces soixante-sept nouvelles formulations aux soixante-sept formulations anciennes.
19. A ce propos, la Défense note qu’il serait logique que les modifications nécessaires soient apportées à la version française du mémoire d’appel du Procureur de façon à ce que les citations faites par le Bureau du Procureur et les citations faites par la Défense soient toutes tirées de la version française définitive des Motifs du Juge Henderson.
20. Troisièmement, la Défense note que, si les corrections effectuées par les réviseurs apportent souvent des nuances de sens par rapport à la formulation retenue dans la version française provisoire, nulle part l’esprit de la logique suivie par le Juge Henderson et le détail des arguments qu’il développe ne sont fondamentalement altérés par ces modifications. Autrement dit, ces nuances ne sont pas suffisamment importantes pour justifier le dépôt d’une requête visant à pouvoir déposer des soumissions additionnelles.
21. Quatrièmement, il est intéressant de noter que les modifications effectuées par les réviseurs confortent les positions prises par la Défense dans sa réponse au mémoire d’appel du Procureur. Les nuances linguistiques apportées par les réviseurs précisent en français la pensée du Juge Henderson ce qui renforce l’argumentation de la Défense.
22. Ainsi, la nouvelle formulation en français des Motifs du Juge Henderson donne à voir encore plus clairement que la Majorité – contrairement à ce qu’affirme le Procureur dans son mémoire d’appel – n’a pas appliqué un standard trop strict à l’évaluation de la preuve du Procureur mais a au contraire souvent donné le bénéfice du doute au Procureur.
23. Par exemple, le paragraphe 87 des Motifs du Juge Henderson indique, après révision, que : « S’il est vrai que la teneur (criminelle) du plan commun peut, en principe, se déduire d’un ensemble de preuves indirectes, cette possibilité théorique ne dispense pas le Procureur de formuler un argument convaincant sur ce point » . Cette formulation montre, encore mieux que la précédente, que la Majorité n’a pas exclu, par principe, que le Procureur puisse présenter des preuves indirectes mais lui a simplement reproché de ne pas avoir formulé d’argument convaincant sur la base de cette preuve indirecte.
24. Autre exemple : dans la version corrigée de la version française des Motifs du Juge Henderson, il est indiqué que : « Aux fins de cet exercice, on partira du principe que les faits allégués quant aux victimes sont établis. Cela ne signifie pas nécessairement que les éléments de preuve concernant chaque victime présumée sont suffisants pour atteindre le seuil requis » . L’on voit bien ici – encore plus clairement que dans la formulation précédente – que la Majorité a donné le bénéfice du doute au Procureur puisqu’elle a accepté, pour les besoins de la discussion, d’accorder le statut de « victime » à de nombreuses personnes, même lorsque la preuve avancée par le Procureur pour établir ce statut était insuffisante.
25. Par ailleurs, la version corrigée et définitive de la traduction française des Motifs du Juge Henderson donne à voir en français de manière encore plus évidente que précédemment que – contrairement à ce qu’affirme le Procureur dans son mémoire d’appel – la Majorité a bien analysé dans son ensemble toute la preuve présentée par le Procureur et ne s’est pas contentée de procéder à une analyse fragmentaire de cette preuve.
26. Par exemple, dans la version corrigée de la traduction en français des Motifs du Juge Henderson, il est indiqué : « L’évaluation globale des preuves ne saurait revenir à analyser une boîte noire des preuves et les chambres ne devraient pas avoir à deviner les détails des arguments avancés par le Procureur en matière de preuve » . Il ressort encore plus clairement qu’avant de ce passage que ce que la Majorité reproche au Procureur, c’est de n’avoir pas procédé au travail qui lui incombait de soutenir chacun de ses arguments. La Majorité n’a pas refusé d’examiner la preuve du Procureur dans son ensemble, elle lui a reproché de ne pas avoir étayé ses arguments de façon détaillée.
27. Enfin, la Défense relève que certaines corrections donnent à voir en français de manière plus précise ce que la Majorité reproche au Procureur relativement à la responsabilité de Laurent Gbagbo : la Majorité souligne qu’il a été impossible au Procureur de démontrer un lien quelconque entre Laurent Gbagbo et les incidents allégués et de démontrer l’existence d’un quelconque plan commun ou d’une quelconque organisation. La Défense rappelle que le Procureur n’a pas, dans son mémoire d’appel, remis en cause les conclusions de la Chambre sur ces points12.
28. Pour prendre un seul exemple frappant sur lequel le Procureur est revenu encore et encore malgré l’absence de preuve : l’allégation qu’il formulait de l’existence d’un lien direct entre Laurent Gbagbo et le Colonel Dadi, le commandant du BASA. L’unique élément de preuve présenté par le Procureur pour conforter cette allégation était le témoignage d’un subalterne de Dadi, P-0239, qui l’aurait entendu se vanter de recevoir des ordres de Laurent Gbagbo . Sur ce point, la version française corrigée et définitive des Motifs du Juge Henderson est plus claire que la version précédente : « il convient de noter que la valeur probante du témoignage de P-0239 est faible : le témoin n’a pas vu lui-même le colonel Dadi recevoir des ordres de Laurent Gbagbo et « pense » simplement que le colonel Dadi a rendu visite à Laurent Gbagbo au cours de la crise électorale, n’étant pas en mesure de donner des exemples précis de telles visites. En outre, même si le témoignage de P-0239 était fiable, il se peut qu’il n’atteste que de l’idée erronée que se faisait le colonel Dadi de son rôle au sein des FDS : celui-ci se serait désigné comme « le conseiller militaire » du Président et aurait déclaré qu’il était chargé d’assurer la sécurité d’Abidjan, mais son statut élevé autoproclamé au sein des FDS n’a été confirmé par aucun des témoins. Il se peut très bien que le colonel Dadi ait enjolivé les choses afin de s’assurer la déférence de ses subordonnés : comme indiqué plus haut, P-0164 a déclaré que le colonel Dadi cherchait à exercer un contrôle total sur les membres du BASA. Bien que l’on ne puisse conclure avec certitude que le colonel Dadi exagérait les choses lorsqu’il a, semble-t-il, dit qu’il recevait directement des ordres de Laurent Gbagbo, le fait qu’une telle possibilité ne puisse être exclue, conjugué à l’absence notable de preuves corroborant les affirmations du colonel Dadi, fait qu’il serait difficile pour une chambre de première instance raisonnable d’accorder une grande importance à ces témoignages » .
29. L’on voit encore mieux ici que pour la Majorité, le Procureur a construit l’allégation d’un lien direct entre Laurent Gbagbo et le BASA sur un ouï-dire invérifiable, non-corroboré, et en définitive sur un témoignage sans valeur probante.
30. De façon générale, il apparaît que la traduction française corrigée et définitive des Motifs du Juge Henderson donne mieux à voir que la version précédente la pensée du Juge Henderson et conforte les arguments de la Défense tels qu’ils sont exposés dans sa réponse au mémoire d’appel du Procureur.
31. La Défense informe respectueusement la Chambre d’appel que, dans ces conditions, la nouvelle formulation en français des Motifs du Juge Henderson ne justifie pas que la Défense dépose une requête visant à ajouter des observations supplémentaires à sa réponse au mémoire d’appel du Procureur.
Altit, Conseil Principal de Laurent Gbagbo
Fait le 17 septembre 2020 à La Haye, Pays-Bas
Publicité
Publicité
Commentaires
LE COMBATTANT
Publicité
Newsletter
33 abonnés
Visiteurs
Depuis la création 1 193 801
Archives
Publicité