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LE COMBATTANT
28 mars 2020

CPI : La Chambre d'appel refuse d'examiner les 50 demandes de participation des victimes

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La Chambre d'appel de la Cour pénale internationale, Dans l'appel du Procureur contre la décision de la Chambre de première instance I du 15 janvier 2019 (ICC-02/11-01/15-T-232-FRA), avec les motifs publiés le 16 juillet 2019 (ICC- 02/11-01/15-1263 et ses annexes),
Saisi du rapport du Greffe intitulé "Transmission des demandes de participation des victimes aux procédures d'appel et rapport connexe" du 8 novembre 2019 (ICC-02/11-01/151284 et ses annexes),
Rend, à la majorité, le juge Luz del Carmen Ibáñez Carranza dissident, ce qui suit
DÉCISION
1) La Chambre d'appel refuse d'examiner les 50 demandes de participation des victimes à la procédure, telles que mentionnées dans le rapport du Greffe intitulé "Transmission des demandes de participation des victimes à la procédure d'appel et rapport connexe" du 8 novembre 2019, ICC-02/11-01/151284, sans préjudice de l'examen de la question par une chambre de première instance, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, dans toute procédure future. En cas de reprise de la procédure de première instance, le Greffe transmet les demandes supplémentaires à la chambre de première instance.
2) M. Laurent Gbagbo et M. Charles Blé Goudé déposent des versions publiques expurgées de leurs documents, respectivement ICC-02/11-01/15-1285-Conf et ICC-02/11-01/15-1286-Conf, ou demandent leur reclassement comme documents "publics", avant 16h00 le 8 avril 2020.
I. INTRODUCTION
1. Cette décision concerne la transmission par le Greffe de 50 demandes reçues en 2017, lors du procès de MM. Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, de la part d'individus souhaitant participer en tant que victimes à la procédure (les "demandes additionnelles"). Le Greffier a déclaré que les demandes additionnelles n'ont pas été transmises à la Chambre de première instance I (la "Chambre de première instance") pendant le procès parce qu'elles ont été reçues après l'expiration du délai de transmission des demandes de participation en tant que victimes. La Chambre d'appel doit maintenant décider si elle doit examiner ces demandes sur le fond, à ce stade de la procédure, dans le cadre de l'appel du Procureur contre l'acquittement de M. Gbagbo et de M. Blé Goudé.
II. CONTEXTE DE LA PROCÉDURE
2. Avant l'ouverture du procès de MM. Gbagbo et Blé Goudé, la La Chambre de première instance a déterminé, entre autres, qu'il était "approprié de fixer un délai pour la présentation des demandes au Greffe ainsi qu'un délai pour la transmission des demandes à la Chambre et aux parties". Elle a décidé que "toutes les demandes de participation des victimes, afin d'être évaluées en vue de leur participation au procès, doivent être reçues par le Greffe au plus tard 70 jours avant le procès" et a ordonné que "le Greffe transmette à la Chambre des copies des demandes de participation des victimes complètes et pertinentes reçues ...] au plus tard 60 jours avant le procès". Plus de 700 victimes ont été autorisées à participer au procès, toutes représentées par Mme Paolina Massidda, conseil principal du Bureau du conseil public pour les victimes (le "BCPV").
3. Le procès de MM. Gbagbo et Blé Goudé s'est ouvert le 28 janvier 2016.
4. Le 15 janvier 2019, la Chambre de première instance I a rendu, à la majorité, une décision orale dissidente, rendue par la juge Olga Herrera Carbuccia, acquittant M. Gbagbo et M. Blé Goudé de tous les chefs d'accusation et indiquant que les motifs complets seraient déposés dès que possible.8
5. Par dépôt en date du 8 novembre 2019, le greffier a transmis à la chambre des recours les requêtes supplémentaires, qu'il déclare avoir reçues entre le 26 mai et le 24 novembre 2017. Comme indiqué ci-dessus, le greffier déclare que les demandes additionnelles Les demandes "n'ont pas été transmises pour examen à la Chambre de première instance car elles ont été reçues après l'expiration du délai de 60 jours avant le début du procès". Le greffier a évalué et constaté que, sur les 51 demandes reçues, 50 étaient "complètes et liées à la [c]ase". Le greffier soutient :
Si la Chambre considère que la participation de ces demandeurs est appropriée au stade de l'appel, la Section de la participation des victimes et des réparations est prête, si la Chambre l'ordonne, à suivre la procédure de demande de participation des victimes telle qu'elle a été ordonnée au procès, et à.. : (1) transmettre une version confidentielle non expurgée des demandes au Procureur ; et (2) transmettre une version confidentielle expurgée des demandes à la Défense". [Note de bas de page omise].
6. Le 18 novembre 2019, M. Gbagbo a déposé des observations sur la transmission du registre. M. Gbagbo soutient que la Chambre d'appel devrait rejeter la demande du Greffe d'examiner les demandes supplémentaires, car elles ont été déposées bien après la date limite fixée par la Chambre de première instance. Il fait valoir, entre autres, que (i) le délai fixé par la Chambre de première instance est toujours applicable, (ii) comme le Greffe n'avait pas jugé approprié de transmettre les demandes à la Chambre de première instance parce que le délai avait expiré, les mêmes considérations devraient s'appliquer à ce stade ; (iii) la situation actuelle est différente de celle de l'affaire Lubanga ; et (iv) l'appel actuel ne concerne pas un jugement définitif mais une décision de "non réponse", qui fait techniquement partie de la procédure de première instance ; ceci, soutient-on, confirme encore que le délai fixé par la Chambre de première instance est toujours applicable. Par ailleurs, si la Chambre d'appel décide d'examiner les requêtes supplémentaires, M. Gbagbo demande à les recevoir sous une forme non expurgée afin de pouvoir présenter des observations sur chacune d'entre elles. En tout état de cause, M. Gbagbo demande l'accès aux annexes A et B de la transmission du Greffe.
7. Le 20 novembre 2019, M. Blé Goudé présente ses observations. M. Blé Goudé soutient que les demandes additionnelles, ayant été reçues après la date limite de la Chambre de première instance, "ne devraient pas être examinées par la Chambre car cela contreviendrait directement à la décision de la Chambre de première instance I". Il fait valoir qu'"il n'y a pas de circonstances particulières à ce stade de la procédure de non réponse justifiant que la Chambre s'écarte de la décision de la Chambre de première instance encore applicable".
III. MERITS
8. En vertu de l'article 68 3 du Statut, " [l]orsque les intérêts personnels des victimes sont concernés, la Cour permet que leurs vues et préoccupations soient présentées et examinées aux stades de la procédure qu'elle estime appropriés et d'une manière qui n'est ni préjudiciable ni contraire aux droits de l'accusé et aux exigences d'un procès équitable et impartial ". La règle 89(1) du Règlement de procédure et de preuve prévoit, dans sa partie pertinente, que "[p]our présenter leurs vues et préoccupations, les victimes présentent une demande écrite au Greffier, qui la transmet à la chambre concernée".
9. La Chambre d'appel considère que, pour les raisons suivantes, les demandes supplémentaires ne devraient pas être examinées sur le fond à ce stade de la procédure.
10. En l'espèce, comme rappelé ci-dessus, la Chambre de première instance, eu égard à l'article 64 2 du Statut, et conformément à l'article 68 3 du Statut, a jugé approprié de fixer un délai pour la présentation au Greffe des demandes de participation des victimes à la procédure, ainsi qu'un délai pour la transmission de ces demandes à la Chambre et aux parties ; ces délais étaient respectivement de 70 et 60 jours avant l'ouverture du procès. Les demandes supplémentaires ont été reçues par le Greffe après l'expiration de ces deux délais et, pour cette raison, le Greffe déclare qu'il n'a pas transmis ces demandes à la Chambre de première instance. Par conséquent, ces demandeurs n'ont pas participé en tant que victimes à aucun stade de la procédure du procès.
11. La Chambre d'appel considère qu'en principe, seules les victimes ayant participé au procès peuvent participer à la procédure d'appel qui s'ensuit. Ceci est dû au caractère de la procédure d'appel, qui fait suite et constitue une continuation de la procédure de première instance. Le rôle de la procédure d'appel est d'examiner les décisions rendues par les chambres préliminaires ou de première instance prises, en général, après examen des observations de toutes les parties concernées et des participants autorisés à participer au stade de la procédure où la décision a été rendue.
12. 12. Tout en notant que, dans l'affaire Lubanga, la Chambre d'appel a finalement décidé d'évaluer un certain nombre de demandes transmises par le Greffe au cours de la procédure d'appel, cela a été fait dans les "circonstances spécifiques" de cette affaire, et la Chambre d'appel n'a pas donné plus de détails sur les droits de participation, au stade de l'appel, des victimes qui n'ont pas participé au procès.
13. En ce qui concerne la norme 86(3) du Règlement de la Cour, la Chambre d'appel note qu'il s'agit essentiellement d'une règle de procédure ; elle n'accorde ni n'étend aucun droit de participation à la procédure. L'article 68(3) du Statut est la disposition qui régit la participation des victimes à la procédure. En vertu de cette disposition, et comme rappelé ci-dessus, la Chambre permet aux victimes, lorsque leurs intérêts personnels sont concernés, de voir leurs vues et préoccupations "présentées et examinées aux stades de la procédure que la Cour juge appropriés et d'une manière qui n'est ni préjudiciable ni contraire aux droits de l'accusé et aux exigences d'un procès équitable et impartial".
14. La Chambre d'appel considère que, en l'espèce, il ne serait pas approprié d'évaluer les demandes additionnelles, à ce stade de la procédure, en vue de permettre éventuellement aux victimes, qui n'ont pas participé au procès, de participer à la procédure d'appel en cours. Les demandes additionnelles ont été soumises au Greffe pendant la phase du procès, après l'expiration du délai fixé par la Chambre de première instance. En raison de leur date de soumission, les demandes n'ont été ni transmises à la Chambre de première instance ni examinées par elle. Ainsi, comme mentionné ci-dessus, les demandeurs n'ont pas participé au procès ; ni à la procédure particulière qui a conduit à la décision de la Chambre de première instance, que la Chambre d'appel est appelée à examiner dans le cadre de cette procédure d'appel. La Chambre d'appel note en outre qu'aucune raison n'a été fournie pour expliquer pourquoi les demandeurs n'ont pas pu soumettre leurs demandes dans les délais impartis, ni pourquoi ces demandes devraient être examinées à ce stade. En outre, notant que les demandes ont été soumises entre mai et novembre 2017, au cours de la procédure de première instance, il n'y a pas d'informations actualisées quant à leur intention de participer à la procédure d'appel en cours. En outre, il est rappelé que le calendrier relatif au dépôt des demandes dans le cadre du présent appel est en cours depuis juillet 2019.
15. Pour les raisons ci-dessus, la Chambre d'appel considère qu'il ne serait pas approprié d'évaluer les demandes supplémentaires à ce stade de la procédure. La Chambre d'appel refuse donc d'examiner les Requêtes additionnelles sans préjudice de l'examen de la question par une chambre de première instance, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, dans toute procédure future. Si la procédure de première instance est reprise, le Greffe transmet les requêtes additionnelles à la chambre de première instance.
16. Enfin, la Chambre d'appel note que M. Gbagbo et M. Blé Goudé ont tous deux déposé leurs observations respectives comme étant "confidentielles". Gbagbo et Blé Goudé de déposer des versions publiques expurgées de leurs observations respectives ou de demander leur reclassement comme "publiques", avant 16h00 le 8 avril 2020.
Le juge Ibáñez Carranza joint une opinion dissidente à cette décision.
Fait en anglais et en français, la version anglaise faisant foi.
_____________________________
Le juge Chile Eboe-Osuji préside
Daté de ce 25e jour de mars 2020
À La Haye, Pays-Bas
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