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LE COMBATTANT
31 décembre 2017

Développement sous régional Pr Gnagne Yadou Maurice : « Pourquoi la politique d’intégration est un échec ? »

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Développement sous régional

 Pr Gnagne Yadou Maurice : « Pourquoi la politique d’intégration est un échec ? »

Le Vice-président du Front populaire ivoirien (Fpi), chargé de la Mondialisation et de la Politique d’Intégration, Pr Gnagne Yadou Maurice estime que la politique d’intégration pour l’instant est un échec parce que non seulement les Etats de la Cedeao appliquent les textes selon leurs intérêts mais ne prennent pas la peine de soumettre certains de ces textes aux populations par voie référendaires avant leur application, quand ces textes en certaines dispositions peuvent entamer la souveraineté des Etats. Interview.

 Le combattant : Quels sont les acquis de la Politique d’Intégration ? 

 VP Gnagne : La démarche que nous devons suivre, pour répondre à cette première question, doit être pédagogique. Cela nous impose de revisiter l’histoire de cette intégration pour comprendre notre présent, et projeter l’avenir d’une véritable intégration qui devra nécessairement quitter le simple cadre d’un slogan politique pour devenir un vrai instrument de développement des peuples de l’Afrique entière.

 L.C : Quelle est donc l’histoire de cette politique d’Intégration au plan régional africain et sous régional ouest-africaine ?

 VP. G. : très bien ! Nous irons à l’essentiel. Et comme disent les latin ‘’ex nihilo, nihil’’ autrement dit ‘’rien ne procède de rien’’. Pour dire que ce qui existe procède toujours de quelque chose. Historiquement, la Politique d’Intégration régionale, donc africaine, est née de la volonté ‘’des Pères de nos indépendances’’, sans préjuger de ces indépendances quant à leur réalité politique, économique, culturelle etc., d’aller vers l’unité du continent, d’où la naissance de l’Organisation de l’unité africaine (Oua) le 25 mai 1963. Je vous ferai volontiers l’économie du débat qui a précédé et opposé à cet effet trois célèbres groupes de leaders africains connus sous des noms évoquatifs de la situation que vit ce continent. D’abord le ‘’groupe des radicaux de Casablanca’’ conduit par les Présidents Sékou Touré et Kwamé N'Krumah, qui prônait l’unité politique comme préalable à toute intégration économique. Ensuite ‘’du groupe des modérés de Monrovia’’ qui militait pour le respect des frontières issues de la colonisation, et se montrait partisan d'une unité réalisée de manière «graduelle» dans laquelle l'unité économique et technique devait précéder l'unité politique. Enfin ‘’du groupe des pro-français de Brazzaville’’ composé de toutes les anciennes colonies françaises du Groupe de Monrovia, à l'exception de la Guinée, et qui fut rejoint par Madagascar et le Rwanda, pour former l'Union africaine et malgache (Uam) ainsi que la Coopération économique pour l'organisation africaine et malgache (Ceoam). Le défi à relever ici pour les partisans de la création d'une organisation continentale consistait, par conséquent, à réunir ces différents groupes pour débattre de leurs divergences et trouver un compromis fondateur. Il est donc facile de comprendre, à travers ce bref rappel historique, ce qui se passe aujourd’hui. Certains pays africains indépendants se sont affranchis de la tutelle de leur ancien colonisateur et assument leur souveraineté avec dignité, naturellement dans le respect de cette souveraineté par la communauté internationale. D’autres – dans ce lot se retrouvent pratiquement tous les pays anciennes colonies françaises soumises politiquement, militairement, culturellement et économiquement à la France – demeurent hélas le point sombre de la décolonisation de l’Afrique, et le talon d’Achille du réveil économique, social et politique de ce continent. Ces pays francophones d’Afrique constituent un gros handicap quant aux initiatives de développement du continent. 

Le compromis fondamental qui avait été trouvé lors des négociations de ces trois groupes, c’est que l’Afrique, à travers l’Oua et plus tard l’Union africaine (Ua), devait d’abord aller vers des regroupements sous régionaux au plan économique et institutionnel avant d’évoluer vers une véritable union ou intégration africaine formelle, efficace et économiquement viable. C’est une approche cartésienne, du point de vue de la méthodologique, qui semble logique. Cependant avec une insuffisance majeure et pas des moindres : la non prise en compte de l’avis des peuples dans la mise en place de ces regroupements régionaux. C’est ainsi que les Etats vont se regrouper en organisations sous régionales telles que : la Communauté des États sahélo-sahariens (Cen-Sad), le Marché commun de l'Afrique orientale et australe (Comesa), la Communauté d'Afrique de l'Est (Eac), la Communauté économique des États de l'Afrique centrale (Ceeac), la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cedao), l’Autorité intergouvernementale pour le développement (Igad), la Communauté de développement d’Afrique australe (Sadc), enfin l’Union du Maghreb arabe (Uma). Donc autant d’Organisations régionales, autant de problématiques qui peuvent influer plus ou moins positivement sur la qualité de cette intégration et des acquis auxquels nous sommes en droit de nous attendre.

La disparité entre les régions au niveau politique et économique, la faiblesse de positionnement géostratégique et géopolitique de la grande majorité de ces pays, le manque de convergence de vue de ces Etats dans le règlement des conflits (le cas de la crise post-électorale en Côte d’Ivoire au premier trimestre 2011 illustre bien cette situation), des Etats souvent soumis à des pressions extérieures négatives dans leur engagement quand il s’agit du respect des intérêts de ce continent, dans un contexte mondial devenu encore plus difficile, rendent cette Intégration extrêmement fragile et même hypothétique. Il n’y a qu’à comparer par exemple les organisations sous régionales comme la Cedeao en Afrique de l’Ouest et la Sadc en Afrique australe, pour comprendre nos appréhensions quant aux objectifs d’unité de l’Afrique, tant les oppositions de style et d’approche de solutions aux problèmes qui se posent au continent sont souvent inconciliables. C’est véritablement un paradoxe ! Tandis que l’Afrique australe a une large autonomie de gestion des problèmes de la région sud de notre continent, l’Afrique occidentale donne le sentiment de recevoir des ordres de l’Occident et notamment de la France. Vous comprendrez toutes les difficultés qu’éprouve l’Ua pour impulser une véritable reprise en main du destin de notre continent, et partant des initiatives de développement vrai.

C’est à Abuja le 3 juin 1991 que fut conclu le traité qui prévoyait explicitement la création d'un marché commun à l'ensemble du continent avant 2025. A 7 ans du ‘’deadline’’ d’atteinte de cet objectif, sommes-nous certains que cela sera une réalité vécue par les peuples d’Afrique ? La déclaration de Syrte signé le 9 septembre 1999 fixe l’objectif de la création d'une Ua. La déclaration rappelle dans ses premières lignes les idéaux des Pères fondateurs de l'Oua et notamment celui du panafricanisme. Cependant, comme lors de la création de l'Oua, les conceptions fédéralistes et souverainistes vont s’affronter. Cette confrontation va se terminer par la mise en place d’une organisation de compromis. En définitif, le traité créant l'Ua, appelé Acte constitutif de l'Ua, est signé le 11 juillet 2000 à Lomé, au Togo. Mais l’Ua ne se substituera à l’Oua que deux ans plus tard le 9 juillet 2002 par son traité constitutif. Un an plus tard, en juillet 2003, à l'occasion du sommet de Maputo (au Mozambique), furent mises en place certaines institutions dont la Commission de l'Ua, le Parlement panafricain et le Conseil de paix et de sécurité (Cps). Ces Institutions qui sont formellement mises en place sont-elles opérationnelles ? Et si elles le sont, travaillent-elles en toute indépendance dans l’intérêt de notre Continent ? Rien n’est moins sûr ! Et beaucoup d’évènements nous donnent des raisons d’en douter. Ici nous voyons se profiler en filigrane le traitement, par ses instances régionales, du conflit post-électoral en Côte d’Ivoire et le conflit Libyen. La résolution de ces deux conflits, telle que menée par la communauté internationale avec l’onction de l’Ua, pour ne citer que ces deux exemples, donne encore aujourd’hui mauvaise conscience à toute l’Afrique. On observe deux Afriques divisées malgré les apparences : l’une plus responsable quant à l’indépendance vraie du continent, et quant à son approche autonome de règlement des conflits, et l’autre encore très fragile, assujettie aux diktats de puissances étrangères. Cette division est une réalité que les peuples africains vivent avec beaucoup de frustration, devant ce qui semble être une impuissance des leaders politiques africains à s’autodéterminer comme beaucoup de continents l’ont fait. Dans un tel contexte, ‘’nous chercherons les acquis de cette intégration régionale avec une torche’’, comme on le dit si bien chez nous en Côte d’Ivoire. 

 L.C : venons-en donc, Professeur, à l’histoire de l’Intégration ouest-africaine après ce large tour d’horizon sur celle de l’Intégration régionale africaine

 VP. G. : En ce qui concerne les textes fondateurs de l’Intégration ouest-africaine, les traités et conventions portant organisation de l’espace économique, politique et social de la Cedeao ont été formalisés par les pays de la sous-région ouest-africaine et contenus dans un ensemble de dispositions juridiques ratifiées par tous les Etats de cette région ouest de l’Afrique depuis 1979. Ces dispositions sont connues sous le nom de ‘’Traité sur la libre circulation des personnes et des biens et de la citoyenneté’’ dans l’espace de la Cedeao, pour ne citer que cet aspect des choses qui impactent sur la vie et les activités des populations. Ces dispositions issues des directives de l’Organisation de l’Unité africaine (Oua), comme nous le rappelions plus haut, tendent à organiser les Communautés économiques régionales (Cer) en vue d’aboutir à travers la Communauté Economique Africaine (Cea) a à l’unité africaine de façon formelle, parfaite et performante. La notion de libre circulation figure parmi les objectifs fixés par la Cea. L’article 4 (2) (i) du Traité d’Abuja prévoit : « la suppression progressive, entre Etats membres, des obstacles à la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux ainsi qu’aux droits de résidence et d’établissement ». Nous sommes ici en pleine théorie de la Mondialisation ! Mais vous observerez qu’aucun de ces pays signataires n’est prêt à appliquer ne serait-ce que partiellement cette  disposition du traité d’Abuja. N’avions-nous pas assisté dans certains pays à des expulsions de résidents africains ? N’avions-nous pas souvent rencontrés d’énormes entraves à l’entrée, à la résidence et à l’établissement de certains ressortissants africains dans des pays signataires de ces traités ?

Parlant de notre sous-région de la Cedeao, il serait fastidieux de reprendre toutes les dispositions. Néanmoins nous pouvons rappeler que les instruments juridiques portant ‘’libre circulation des personnes’’ dans l’espace Cedeao sont déclinés dans le Traité instituant cette Cer en son article 2, paragraphe 2 et à son article 27. La décision A/DEC/ .8/5/85 viendra modifier le paragraphe 1 de l’article 27 du Traité. Plusieurs protocoles – au nombre de 6 (six) – viendront modifier ou compléter par des protocoles additionnels, dans le cadre de la libre circulation des personnes, les droits d’entrée, de résidence et d’établissement, ainsi que la mise en place d’un code de conduite pour l’application du protocole sur la libre circulation des personnes (Protocole A/SP1/7/85). En outre les 2 (deux) derniers, le protocole 5 (Protocole A/SP1/7/86) et le 6 (Protocole A/SP2/5/90), qui sont des protocoles additionnels, viendront définir le cadre d’exécution de la deuxième étape du protocole sur la libre circulation des personnes, c’est-à-dire le droit de résidence, et celui de l’exécution de la troisième étape, le droit d’établissement.

Trois (3) décisions vont être prises. La première (C/DEC.3/12/92) est relative à l’institution d’un formulaire qui harmonise l’immigration et l’émigration entre les Etats de la Cedeao. La deuxième (A/DEC/10/5/82) a trait à l’application du protocole sur la libre circulation et au programme d’information du public (et pourquoi c’est maintenant seulement qu’on se décide à former le public, c'est-à-dire le peuple, en aval des textes pris par des politiques qui ne les ont pas consultés ?). La troisième (A/DEC.2/5/90) institut une carte de résident des Etats membres de la Cedeao. Ces décisions viendront parachever, les dispositions du cadre officiel et les documents conformes à cette circulation des personnes dans l’espace sous régionale. La Résolution (A/RE2/11/84) prise au terme de la conférence des Chefs d’Etats et de Gouvernement insistera sur l’application de la première étape du protocole sur la libre circulation des personnes, le droit de résidence et d’établissement de ces personnes. Les instruments juridiques, de cette circulation des personnes dans l’espace Cedeao, affirment que les Etats de la Cedeao sont des entités souveraines, ayant chacune des lois qu’il convient de respecter pour celui qui veut entrer, résider ou s’établir dans l’un quelconque de ces Etats. Et que chaque Etat est libre d’accepter d’accueillir ou non  l’impétrant qui veut s’y installer. Que les emplois de fonctionnaires sont strictement interdits aux non-nationaux. Que l’entrée sans visa, qui est la règle conformément aux dispositions sous régionales de libre circulation des personnes, est assujettie à une périodicité de quatre vingt dix jours (90). Soit trois mois, au terme desquels l’impétrant est astreint à une procédure juridique de demande de carte de résident, à défaut de quoi il est passible de poursuite judiciaire pour séjours illégal dans le pays hôte, et d’expulsion vers son pays d’origine. Que de fait la résidence ou l’établissement est une conséquence logique du respect du cadre légal de la première étape : l’entrée sur le territoire d’accueil. Une entrée qui, si elle n’est pas suivie d’une demande de titre de résident officiel au terme de 90 jours de séjours, fait de l’impétrant un résident illégal ; et le terme « immigrant inadmissible » utilisé dans ces dispositions se comprend aisément dans cette configuration. Il faut noter que le cas, des déplacés ou refugiés guerre, sort de cette juridiction sous-régionales et répond aux dispositions du droit international et géré par des organisation internationale spécialisées en la matière.   

Le constat que nous pouvons faire et les conséquences qui s’en dégagent – et ce constat a été fait par le ministre ivoirien de ‘’l’Intégration africaine et des Ivoiriens de l’extérieur’’  dans son Publi-reportage paru dans le quotidien gouvernemental Fraternité Matin du jeudi 26 décembre 2013, sur ‘’la libre circulation des personnes : moteur de l’intégration des peuples’’,– c’est que ces dispositions juridiques ne sont pas respectées par plusieurs Etats signataires de ces textes fondateurs de la Cedeao. Une première conséquence qui s’en dégage c’est la disparité dans l’application des textes. Chaque pays le faisant à sa convenance dans le respect de ses propres intérêts et de sa souveraineté. Pour le politique : ‘’quand telle disposition n’arrange pas mon peuple et risque de créer des problèmes d’ordre social, je mets les textes de la Cedeao en veilleuse ou je ne les applique pas simplement’’. C’est en fait la politique du « ce que je tiens est à moi, ce qui est à toi est à nous deux ».   Autrement dit, Si des signataires d’accords, en l’occurrence des accords multilatéraux, sont incapables de respecter leurs propres engagements d’où peuvent venir les acquis ? Là est le problème qui mérite qu’on y apporte quelques réponses !

 L.C : Quelles en sont donc les raisons pour vous, Professeur ? 

 VP. G. : De notre point de vue, les raisons sont de plusieurs ordres. Et nous n’en développerons que deux : les procédures de signatures et d’adoptions de ces Traités, Accords et Conventions qui n’engagent pas les peuples d’une part, et d’autre part l’incapacité de travailler dans et avec le temps au murissement des idées, dans une démarche prospective de projection, afin d’examiner tous les contours des problèmes qui peuvent se poser.

Voyons le premier point. De mémoire de citoyen de mon pays et de ressortissant de la sous-région ouest-africaine, aucun des textes portant création de la Communauté Economique Régionale ouest-africaine, même ceux qui empiètent sur des aspects de la souveraineté des Etats, n’a fait l’objet d’un référendum populaire dans les pays aux accords pour engager les peuples. Ces peuples qui demeurent malgré la forte propension, d’une certaine classe politique nationale ou régionale, à adopter une posture infantilisante vis-à-vis de ce souverain de qui émane pourtant le pouvoir politique. On a le sentiment que ces peuples auxquels ces textes doivent s’appliquer, ne sont pas suffisamment matures pour savoir que dans tel domaine, ils ont intérêt à aller vers une organisation sous-régionale qui faciliterait leurs affaires. Que dans tel autre, qui remettrait en cause une partie de leur souveraineté à laquelle ils tiennent, l’opportunité ne semble pas évidente, du moins pour un temps. Prenons par exemple le cas de la circulation des personnes et des biens dans l’espace Cedeao, les textes existent et sont appliqués plus ou moins. D’ailleurs dans certains pays comme le nôtre ils sont appliqués au-delà même de ce qu’indiquent la lettre et l’esprit des textes en questions. Il est à constater ici que la philosophie qui anime le pouvoir ivoirien dans le domaine de la circulation des biens et des personnes, c’est l’application de ces textes-là dans le sens de l’octroi d’une double citoyenneté de fait. Nous sommes confortés dans cette thèse par l’initiative gouvernementale autoritaire d’un recensement de populations que tout rend inopportun plus aujourd’hui qu’hier. Une telle philosophie d’approche de l’Intégration n’est explicitement exposée dans aucun des textes fondateurs, ni dans aucun protocole additionnel ou non. Et tout le monde le sait. Aucun pays ne pouvant vivre en autarcie ceux de nos frères de la sous-région qui viennent en Côte d’Ivoire viennent y résider ou s’y établir pour travailler conformément aux textes de la Cedeao. Bien entendue, la convergence, puisque nous sommes dans un cadre multilatéral, devant être respectée pour plus de justice. Ces non-nationaux, ressortissants de la sous-région, n’ont nullement besoin de la nationalité ivoirienne pour faire des affaires en Côte d’Ivoire. Ces textes définissent biens les droits et les devoirs reconnus aux résidents communautaires qui ne souffrent d’aucune ambiguïté. Tel que cette politique d’intégration est menée dans ce pays, il revient à conférer les droits nationaux aux résidents communautaires. Cela déboucherait indubitablement à l’instauration dans la seule Côte d’Ivoire d’une double nationalité de fait. C’est ce à quoi nous assistons malheureusement!

Le deuxième point que je voudrais aborder sur les raisons de l’échec de cette politique d’Intégration sous maints aspects, c’est le fait que le politique ne prenne pas le temps de murir les initiatives. Le temps, dans une œuvre humaine qu’on veut parfaite, est un paramètre essentiel. L’exemple nous en a été donné par l’Union européenne qui s’est bâtie pour arriver aux Accords de Schengen et Maastricht en plus de 64 ans de négociation et de référendum d’adhésion populaire. Et comme le dit Robert Schuman – pas que lui seul en Europe, nous pouvons citer Jean Monnet, Saint Benoit de Nursie, Aristide Briand, Paul-Henri Spaak, Alcide de Gasperi –, grand visionnaire et l’un des pionniers fondateurs – comme ceux que nous venons de citer – de l’Union Européenne (UE) : ‘’Nous ne coalisons pas les Etats, nous unissons les hommes’’. Cela veut dire tout simplement, que le politique ne peut effacer les frontières ni les nationalités, qu’il ne peut non plus faire le bonheur des peuples en les négligeant, en ne les consultant pas, en ne les engageant pas dans les prises de décisions communautaires qui réguleront leur vie et leur quotidien ; qu’il faut en plus être patient et humaniste. L’Europe à vécue des drames et voulait en finir avec ce cycle de guerre des nationalités. Ce qui est aujourd’hui une chose parfaitement réussie. Et les pays de l’Europe ne se feront plus la guerre, tout au moins la partie occidentale d’où sont nées les grandes guerres du siècle dernier qui ont été à la source des grands drames que l’humanité a connu. Nous le pensons et nous le croyons! Tant mieux pour l’Europe !

 L.C : Quelle est votre vision de la monnaie unique ouest-africaine ? Ce projet est-il réalisable ?

 VP. G. : Nous sommes fondamentalement partants pour ce projet qui s’impose comme une exigence pour une intégration économique réussie. Cependant, il y a de sérieuses réserves quant à la réussite d’un tel projet, tout au moins en l’état actuel des choses. La sous-région ouest-africaine sortirait alors d’une ‘’monnaie commune : le franc CFA’’ pour entrer dans un espace communautaire fiduciaire plus large qui engloberait tous les pays : lusophones, francophones, et anglophones. Mais alors, la question que nous sommes en droit de nous poser est celle-ci : cette communauté monétaire du F CFA (Uemoa) a-t-elle été une réussite ? Evaluons par exemple cette monnaie : quel aura été son impacte sur le développement de ces pays de l’Uemoa ? Si la réponse est que cela a été une réussite, alors nous arrêtons de réfléchir et nous continuons ! Sinon, nous devons chercher à implémenter autre chose y compris la monnaie unique sous-régionale! Alors-là, la réflexion et la réponse à apporter ici doit se départir de la langue de bois et de la peur du gendarme ! Nous voudrions citer à cet effet un penseur qui disait ceci : ‘’pour dominer les peuples, il faut leur imposer sa langue, sa religion et sa monnaie’’. Voici la problématique. La langue comme attribut d’asservissement culturel, la religion comme soumission à une autorité morale souvent dévoyée pour la cause du dominateur, la monnaie comme attribut d’apprivoisement de la souveraineté de ces peuples et le contrôle de leur économie.

La crise des Banques que nous avons vécue au cours du conflit post-électoral, où la politique peut interférer dans le domaine bancaire avec l’accord des partenaires sous-régionaux sous l’injonction d’une puissance extérieure, gendarme de ses propres intérêts, n’est pas faite pour faciliter les choses. Et nous ne croyons pas qu’avec de telles pratiques des pays qui marchent bien avec leur monnaie nationale viendraient se compliquer l’existence avec des pays qui ne savent pas ce qu’ils veulent en s’agrippant au siège d’une puissance tutélaire sans laquelle ils n’osent même pas afficher leur volonté de se prendre en main. Mais encore pire, sans laquelle ils ne croient pas pouvoir projeter leur destin et celui des générations à venir. Toute la problématique de la monnaie unique ouest-africaine est là ! Résumée par cette réalité implacable ! La jeunesse africaine qui a compris ces enjeux du siècle qui commence doit s’organiser pour sortir l’Afrique de l’ornière du franc CFA ! Les anciens, qui sont aux affaires avec la bénédiction des Sarkozy et consort, ont largement atteint leur niveau d’incompétence dans ce domaine comme dans tant d’autres depuis des lustres, et sont incapables d’impulser une dynamique salvatrice sur la question de la monnaie ouest-africaine commune (MOAC). S’ils voulaient vraiment cette monnaie ouest-africaine commune, ils appelleraient les peuples à un référendum populaire dans chaque pays pour se couvrir d’une légitimité populaire absolue devant les barbouzerie de la France. 

Et pourtant, oui il nous faut aller vers une monnaie unique, sous réserve des préoccupations que nous venons d’évoquer tout au long de cette interview. Car la monnaie est un attribut de souveraineté, et un puissant moyen de contrôle de sa propre économie afin d’impulser un vrai développement pour le bien-être de ses populations.

 

Interview réalisée par Guillaume Sékane

Le samedi 30 Décembre 2017

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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