Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
LE COMBATTANT
2 septembre 2017

Emile Guiriéoulou ( président du Fpi en exil) :« Ouattara a rendu le pays ingouvernable »

Emile Guiriéoulou (président du Fpi en exil):« Ouattara a rendu le pays
ingouvernable ».« Nous devons reprendre le pouvoir en 2020 ».« Le
PDCI doit se racheter »

 

 Au Ghana, Emile Guiriéoulou est le président de la coordination Fpi en exil. Depuis cet exil ghanéen, il décortique la gestion de Ouattara, sans porter le moindre gant.

Bonjour monsieur le ministre. Après plus de six ans d’exil, comment vous portez-vous au niveau de votre santé et de votre moral ?

Ma santé, par pure grâce, est globalement bonne.

Quant à mon moral, je peux vous assurer qu’il est haut et au beau fixe. Les six ans et demie d’exil n’ont en rien altéré ma détermination. C’est d’ailleurs cette force morale, assise sur des convictions inébranlables, qui me permet de tenir et d’avoir foi dans la lutte que nous menons.

N’avez-vous pas le mal du pays ?

Ah si ! La Côte d’ivoire est comme inscrite dans notre ADN. Et on ne peut être séparé des siens pendant près de sept ans sans être gagné par la nostalgie et le mal du pays. Vous savez, depuis ma naissance, je n’ai jamais passé plus d’un an sans me rendre à Guiglo et au village à plus forte raison sept ans. Oui, le pays me manque. Mais cela fait aussi partie de mes contributions au prix à payer dans le combat pour la liberté, la souveraineté et l’indépendance réelle de la Côte d’Ivoire.

Je profite de l’occasion que vous me donnez pour remercier toutes les bonnes volontés (parents, amis, camarades du parti, anciens collaborateurs, etc.) qui nous manifestent depuis sept ans leur affection et leur soutien qui nous permettent de tenir.

Je remercie chaleureusement la forte délégation venue de Côte d’Ivoire soutenir mon épouse et moi à l’occasion du mariage de notre fille ici à Accra le 12 août dernier. Nous avons retrouvé en l’espace d’un week-end l’ambiance ivoirienne qui nous manque tant. Merci à tous.

Vous dirigez la Coordination du FPI en exil depuis le retour au pays du Docteur Assoa Adou. Comment se porte cette Coordination ?

La Coordination FPI en exil se porte bien. Nous en avons tenu l’assemblée générale le 8 juillet dernier pour faire le bilan de notre action. Nos activités ont couvert divers domaines : séminaires de réflexion, lobbying, commémorations, actions de solidarité, etc. Ce bilan a été jugé positif et salué par les camarades qui m’ont fait l’honneur de me reconduire à la présidence.

Il faut préciser que depuis le congrès de Mama, quinze exilés résidant au Ghana, au Bénin et au Togo ont été nommés dans la direction du Parti. Nous travaillons donc en symbiose avec la direction à Abidjan.

Nous allons tenir dans quelques jours une autre assemblée générale pour présenter le nouveau bureau ainsi que les grandes lignes de notre programme d’activités pour les prochains mois, en dégageant les axes prioritaires de notre action.

Quelle est la situation des exilés au Ghana ? Combien sont-ils et quels sont les problèmes auxquels ils sont confrontés ?

Il faut d’abord signaler que les réfugiés et exilés ivoiriens de 2011 ne sont pas qu’au Ghana. En plus du Ghana, on les retrouve au Liberia où leur nombre est d’environ 20.000. Au Ghana, nous sommes 11.000. Au Bénin et au Togo, il faut compter environ 3.500. La majorité de ces réfugiés vivent dans des camps du HCR à l’exception de ceux du Bénin. Depuis maintenant deux ans, les réfugiés ivoiriens sont privés de l’assistance humanitaire du HCR et du PAM. Ils sont obligés de se débrouiller par eux-mêmes pour se nourrir et se soigner.

La question de la scolarisation des enfants demeure un grand souci. Au niveau du primaire et du secondaire, les enfants sont aujourd’hui insérés dans le circuit éducatif ghanéen. Ce qui posera le problème de leur intégration dans le système éducatif ivoirien une fois de retour au pays. Le gros problème réside au niveau de l’enseignement supérieur.

Sur l’accès aux soins de santé, le gouvernement ghanéen nous a permis d’avoir accès à leur assurance maladie, le NHIS (National Healf Insurance Scheme) à des coûts abordables (moins de 5.000 FCFA l’an par adulte et moins de 1.000 FCFA pour les enfants et personnes âgées) comme les citoyens ghanéens. Même si les prestations offertes par le NHIS sont limitées, le système permet d’amortir certains frais.

D’avril 2011 au 31 juillet 2017, nous avons enregistré, hélas, une centaine de décès au sein de la population des réfugiés ivoiriens au Ghana sans compter ceux décédés au pays après leur évacuation pour raison de maladie.

Il y a aussi de nombreux réfugiés ivoiriens au Cameroun, dans les pays du Maghreb, en Mauritanie ainsi qu’en Europe et aux Etats-Unis d’Amérique. Il y en a même en Australie. Mais nous ne disposons pas de statistiques les concernant.

Quelle est votre position sur la crise au FPI ? Et que pensez-vous de la réconciliation que propose Affi N’Guessan ?

Sur cette question la Coordination a pris une position claire qui a été rendue publique en décembre 2014. Et notre position n’a pas changé depuis. Pour nous, le FPI est dirigé par le Président Laurent Gbagbo et Sangaré Abou Drahamane assure son intérim en attendant son retour. En ce qui concerne monsieur Affi, le congrès de Mama l’a exclu du parti. Nous nous en tenons à ça. Point. Vous savez, j’ai relu récemment le discours de feu Miaka le jour de la passation de charge entre lui et Affi à la sortie de prison de ce dernier. Nous étions le 7 septembre 2013.

Ce jour-là, en effet, feu Miaka, de façon prémonitoire, a déclaré ceci s’adressant à Affi :« Camarade Président, tu as aujourd’hui des militants extrêmement jaloux de leur liberté d’expression, de leur pouvoir de décision à l’intérieur du parti et pointilleux sur le respect des textes fondamentaux. Continuons à appeler avec insistance chacune de nos structures à jouer pleinement et entièrement son rôle. Cela a l’avantage de renforcer la cohésion et l’esprit de responsabilité au sein du Parti. Concernant la solidarité, je voudrais que nous insistions sur les cinq solidarités que tu nous as recommandées lorsque nous t’avons rendu visite en prison à Bouna en mai 2013 : Solidarité envers le Président Laurent Gbagbo, Solidarité envers la Vice-présidente Simone Ehivet-Gbagbo, Solidarité envers tous les autres camarades prisonniers et exilés politiques, Solidarité envers tous les militants du FPI, Solidarité envers la Côte d’Ivoire. Je reste convaincu que tu feras en sorte que nous demeurions tous loyaux, intraitables et déterminés dans la mise en œuvre de toutes ces solidarités, en tous temps et en toutes circonstances, sans faiblir et ni faillir. »

C’est pour avoir ignoré ces recommandations sur la posture des militants du FPI que monsieur Affi se retrouve là où il est aujourd’hui. Et pourtant ça n’était pas difficile à comprendre et à faire !

Monsieur le ministre, cela fait sept ans que monsieur Alassane Ouattara dirige la Côte d’Ivoire. Quel regard portez-vous sur sa politique ?

Si le regard était bon, je ne serais pas à encore endurer les difficultés de l’exil. Depuis sept ans que la France a décidé de faire mains basses sur notre pays en mettant à sa tête son obligé, tous les voyants sont au rouge.

Dites-moi, dans quel domaine monsieur Ouattara et son régime ont-ils réussi depuis qu’ils sont là ? Voyez vous-mêmes :

•Ils ont ré-endetté le pays de façon exponentielle, annihilant ainsi tous les bénéfices des efforts et sacrifices consentis par le peuple ivoirien sous la direction du Président Laurent Gbagbo et qui ont abouti à l’annulation de la dette dans le cadre de l’initiative PPTE.

•Ils se vantent de construire des ponts et des routes que les ivoiriens dans leur humour légendaire ont vite fait de qualifier de « biodégradables ».Et même dans ce secteur, ils s’attribuent des projets dont les travaux ont débuté sous le Président Laurent Gbagbo comme le prolongement de l’autoroute du nord, le pont de Jacqueville, l’approvisionnement en eau de Korhogo, etc. ou encore ceux dont les financements ont été négociés par lui : barrage de Soubré, voie express de Bassam, approvisionnement en eau d’Abidjan depuis Bonoua.

•Ils sont champions de la mal gouvernance, des délits d’initiés, de la généralisation de la pratique des marchés de gré à gré dénoncée par la Banque mondiale, de la politique de « vend et rachète », des surfacturations et des détournements de deniers publics, le tout dans l’impunité la plus totale.

•Ils ont détruit la cohésion sociale y compris au sein de l’armée et fermé la porte à la réconciliation nationale.

•Ils ont installé l’insécurité sur l’ensemble du territoire national.

•Au-delà de tout cela, le pays vit gravement un déficit démocratique. La parole est contrôlée par les baïonnettes, la presse est caporalisée, les prisons sont surpeuplées de prisonniers politiques et sont devenues des mouroirs. En somme, l’opinion est embrigadée.

En un mot, ils ont rendu le pays réellement « ingouvernable ».

Devant ce constat désastreux, le peuple a le devoir, pour la Côte d’Ivoire, de se mobiliser pour reprendre le pouvoir à M. Ouattara et son régime par les moyens démocratiques au plus tard en 2020 afin de restaurer notre nation en péril.

Que pensez-vous des débats en cours au sein du RHDP sur l’alternance au profit du PDCI en 2020 ?

Je suis tenté de vous répondre que c’est leur problème. Mais je voudrais quand même dire que les militants du PDCI doivent se rendre compte que le RDR s’est servi de leur parti pour assouvir sa soif de pouvoir à tout prix. Le RDR, comme le clament ses cadres depuis quelques temps, ne leur offrira jamais le pouvoir au nom de « l’appel de Daoukro ». D’ailleurs Alassane Ouattara sera candidat en 2020. Il voudra encore et toujours à s’appuyer sur le PDCI et il se donnera les moyens nécessaires pour y parvenir. Le PDCI peut et doit donc se racheter en mettant fin à cette alliance du cheval et du cavalier dans laquelle il se joue la posture du cheval. J’échange souvent avec des militants du PDCI qui désapprouvent la gestion du pays par Alassane Ouattara et qui pensent qu’il est en train de détruire la Côte d’Ivoire. Il faut maintenant qu’ils aient le courage de rompre cette alliance qui n’a rien apporté de bon à la Côte d’Ivoire. Je suis convaincu qu’au sein du PDCI, il y a de nombreux patriotes qui aiment la Côte d’Ivoire. Il est temps qu’ils aient le sursaut nécessaire pour penser à la Côte d’Ivoire et je dirais aussi à la survie du PDCI en tant que parti.

Monsieur Guillaume Soro appelle à la réconciliation et au pardon. Qu’en dites-vous ?

J’ai déjà donné ma réponse à cette question à votre journal dans sa parution du vendredi 28 juillet 2017. Je vais donc me répéter.

Pour moi, la grave crise que connaît la Côte d'Ivoire a placé l'exigence du pardon et de la réconciliation à un niveau tellement crucial qu'il ne faut pas l'aborder ni avec légèreté ni par opportunisme encore moins avec ruse et calculs politiciens. En effet, la réconciliation est un sujet de survie de la Côte d’Ivoire en tant que nation. Or la réconciliation, telle que prônée ces temps-ci par Soro, pue à mille lieues un agenda politique personnel dans l’espoir d’en recueillir les dividendes pour les élections présidentielles à venir. Les conditions de la réconciliation sont largement connues et exige une volonté politique clairement affichée et non des incantations répétitives. La responsabilité de l’initiative incombe au régime actuel par l’ouverture d’un vrai dialogue politique inclusif. En tant qu’acteur important de ce régime, monsieur Guillaume Soro doit s’attacher à amener monsieur Ouattara et leurs soutiens internes et externes à prendre les décisions qu’appelle l’exigence de la réconciliation. En 2001, alors que la situation était loin d’être aussi grave qu’aujourd’hui, le Président Laurent Gbagbo a pris l’initiative d’organiser le forum pour la réconciliation nationale en posant les actes qu’il fallait dont celui de réunir les conditions de la participation de tous les leaders à savoir le général Robert Gueï, Henri Konan Bédié et Alassane Dramane Ouattara avec le retour d’exil des deux derniers.

Le ministre Hubert Oulaye a récemment fait une tournée dans le Cavally dont vous êtes aussi ressortissant. Avez-vu suivi cette tournée et que vous inspire-t-elle ?

D’abord, je voudrais me réjouir que mon frère Hubert puisse à nouveau respirer l’air de la liberté même si c’est une liberté provisoire. Et je sais qu’il ne retournera plus en prison parce qu’innocent et qu’il sera acquitté et blanchi des chefs d’accusation farfelus qui lui sont imputés.

Hubert et moi avons vécu ensemble en grande fraternité ici en exil au Ghana pendant trois ans. Et avant qu’il ne mette fin à son exil en novembre 2014, nous avons échangé longuement et sommes tombés d’accord pour qu’il rentre. J’ai donc été affligé quand il a été arrêté début mai 2015, seulement cinq mois après son retour comme j’ai été peiné quand le camarade Assoa Adou l’a été avant lui en janvier 2015. Et surtout j’ai été profondément attristé par le décès du frère Désiré Porquet, mon compagnon de voyage sur la tumultueuse route d’exil le 20 avril 2011.Il y a quelques jours c’est le camarade Michel Guédé Zadi qui nous a quitté. Que de peines !

Je salue donc la libération du ministre Hubert Oulaye. Et je remercie tous ces ivoiriens, de toutes les régions, qui ont défilé
à son domicile d’Abidjan depuis sa libération pour le saluer, souvent les mains chargées.

Concernant sa tournée de retour dans le Cavally après sept ans d’absence forcée, je l’ai suivie au jour le jour et étape par étape grâce aux réseaux sociaux. Je salue la mobilisation et la ferveur populaires qui ont été observées tout le long de ces retrouvailles.

Mais moi, je ne suis pas du tout surpris par cela.

Pourquoi ?

D’abord parce que le ministre Hubert Oulaye lui-même a un pacte solide avec les populations du Cavally et du Guémon car il a toujours été à leurs côtés par les temps de joie comme par les moments de douleurs. Il est donc tout à fait dans l’ordre des choses que les parents lui manifestent leur attachement ainsi que leur soulagement de le retrouver en bonne santé physique et morale.

Je pense aussi que les parents qui se sont sentis orphelins et sans défense depuis avril 2011, sont soulagés du retour parmi eux d’un leader dont la présence est rassurante pour eux.

Enfin, il est de notoriété publique que le peuple Wê a un attachement « indéboulonnable » au Président Laurent Gbagbo. Or le ministre Hubert Oulaye est lui aussi un inconditionnel de Laurent Gbagbo. Donc les Wê sont fiers et heureux de constater que leur fils est resté fidèle et loyal au Président Gbagbo, comme eux. Et qu’il fait toujours partie des hommes de confiance du Président. Cela renforce encore plus leur admiration pour lui. Parce que pour les Wê, on n’abandonne pas son frère ou son chef quand il est en difficulté. Bien au contraire, on a un devoir de solidarité envers lui pour le défendre et le soutenir. Ils ont retrouvé ces valeurs chez Hubert Oulaye. Il est donc resté en phase avec son peuple qui a tenu à le lui manifester avec éclat.

Je voudrais donc m’associer à la joie du Cavally et dire moi aussi mon admiration au ministre Hubert Oulaye. Qu’il tienne car nos parents Wê comptent sur lui.

Je félicite les frères et camarades du comité d’organisation de la première phase de cette visite familiale qui a été un véritable succès. Je suis persuadé que la seconde étape qui conduira le ministre dans le département de Toulépleu et dans la région du Guémon rencontrera la même ferveur.

Avez-vous un appel à lancer à vos parents de l’Ouest ?

Aux parents, je voudrais dire que je partage les souffrances et douleurs qu’ils subissent depuis avril 2011. Mais en même temps je salue leur courage et leur fidélité. Ils ont démonté à la face de la nation et du monde qu’ils sont un peuple digne, fidèle à lui-même et à ses valeurs.

Nous nous efforcerons d’être à la hauteur de leurs espérances et de leurs sacrifices. Qu’ils ne chancellent pointet continuent de rester sourds à tous les chants de sirène de tous les bonimenteurs qui rôdent autour de notre grande et belle région.

Ils ont les salutations et les encouragements de Mme Angèle Gnonsoa, qui a retrouvé une nouvelle jeunesse, plus déterminée que jamais, d’Éric Kahé, de Pol Dokoui, d’Etienne Tahi Zoué et de tous leurs frères et sœurs, nombreux dans les camps de réfugiés, et qui, malgré le dénuement dans lequel ils vivent, restent eux aussi dignes et considèrent leur exil comme un pèlerinage pour apprendre davantage de la vie afin de revenir au pays plus forts et plus aguerris.

Tous, nous avons la ferme conviction que bientôt, très bientôt, nous nous retrouverons car la fin est proche.

Interview réalisée à Accra par Jean Baptiste ESSIS

L e T e m p s N ° 4 1 6 8  

949f13c1df30a468b76afab5b994011b_M

du mercredi 30 août  2017 

Publicité
Publicité
Commentaires
LE COMBATTANT
Publicité
Newsletter
33 abonnés
Visiteurs
Depuis la création 1 193 801
Archives
Publicité