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LE COMBATTANT
5 juillet 2017

DISCOURS DU PRESIDENT LAURENT GBAGBO DEVANT LE PARLEMENT BURKINABÉ -

Monsieur le président de l'Assemblée nationale,

Monsieur le Premier ministre,

Mesdames et Messieurs les députés.

Messieurs les responsables des Institutions de la République du Burkina Faso,

Mesdames et Messieurs les membres du gouvernement,

Au moment de prendre la parole devant vous, je n'ai pu cacher cette étrange impression de me voir moi-même dans le rôle d'un hôte en visite au Burkina Faso. Pour moi, mais aussi pour beaucoup d'Ivoiriens et de Burkinabè la Côte d'Ivoire et le Burkina sont une seule et même patrie au sein de l'Afrique de l'Ouest et cela au nom d'une longue et riche histoire politique, économique, sociale et culturelle commune. 
C'est toujours avec émotion que je retrouve ici, dans cette ville de Ouagadougou des frères, des amis, des camarades avec lesquels nous avons tant et de tant de fois refait le monde. Par-delà les années qui passent, par-delà les responsabilités qui sont les nôtres de part et d'autre, nos relations sont restées les mêmes. Les années nous ont mûris. Evidemment. Les responsabilités nous ont rapprochés davantage, fort heureusement. 
Je voudrais donc vous saluer, Monsieur le président de l'Assemblée nationale et, à travers vous, saluer tout le peuple frère du Burkina devant ses élus pour cette invitation fraternelle à venir dans cette auguste Assemblée. Je remercie le Burkina Faso pour moi-même, mais aussi pour la Côte d'Ivoire. Nos deux pays ne sont pas seulement des pays voisins, nous n'avons pas uniquement une frontière en partage. Nous avons aussi une histoire en partage, une économie en partage, une culture et des hommes en partage. Pour ces raisons, rien de ce qui concerne le Burkina Faso ne peut laisser la Côte d'Ivoire indifférente et, réciproquement, ce qui concerne la Côte d'Ivoire concerne le Burkina aussi. C'est de cela que témoigne la douleur ressentie de part et d'autre dans la crise survenue en Côte d'Ivoire. C'est de cela que témoigne surtout l'implication du président Compaoré et du peuple Burkinabé dans son ensemble dans le règlement de la crise ivoirienne c'est de cela que je suis venu témoigner. 
Merci de m'accueillir ici dans ce palais de l'Assemblée nationale et de me donner ainsi l'occasion d'être reconnaissant. Mais je viens surtout prendre avec vous l'engagement d'ouvrir et d'explorer ensemble de nouvelles voies de notre avenir commun. Je ne suis pas venu décrire le spectacle après l'orage, je suis venu annoncer que la tempête est passée. Je suis venu dire que le temps est venu pour se mettre au travail. Remettons nous au travail donc ! Le souffle qui nous porte vient de loin. Nous n'avons le droit, notre génération n'a pas le droit de l'éteindre ni même de l'affaiblir au risque de faillir à notre mission vis-à-vis de nos peuples. En recevant le 28 octobre 2007 à Abidjan la communauté burkinabé vivant en Côte d'Ivoire, j'ai rappelé que les rapports entre la Côte d'Ivoire et le Burkina échappent à la raison parce que ce sont des rapports sentimentaux. C'est ce jour-là que j'ai annoncé la suppression de la carte de séjour.

Deux nations,
un destin lié

La Côte d'Ivoire et la Haute Volta formaient deux colonies différentes ayant chacune son administration dans le cadre de l'Afrique occidentale française. C'est en 1932 que, voyant la main d'?uvre mossi se diriger de préférence vers la colonie britannique de la Gold Coast, les colons obtiennent du gouvernement français la suppression de la colonie de la Haute Volta. Le territoire sera rattaché à la Côte d'Ivoire jusqu'en 1947 date à laquelle il retrouve son autorité. C'est au cours de cette période qui a duré 15 ans que les mouvements migratoires entre les deux territoires ont connu une ampleur particulière. Ils ne se sont pas arrêtés depuis lors. Bien au contraire. C'est l'époque où des villages entiers sont créés pour fixer la main-d'?uvre d'origine voltaïque en Côte d'Ivoire. Mais aussi, l'époque de lutte politique menée ensemble par les Ivoiriens et par les Voltaïques. Par Houphouet-Boigny, Kaboré Zinda, Ouézzin Coulibaly, par le Moro Naba et les leaders politiques des deux territoires. Houphouet-Boigny, Kaboré Zimba, Ouézzin Coulibaly parlaient à Paris, à l'Assemblée nationale au nom de la Haute Côte d'Ivoire et au nom de la Basse Côte d'Ivoire. C'est-à-dire au nom du Burkina Faso et au nom de la Côte d'Ivoire. C'est de cela que procédera plus tard la création du conseil de l'Entente le 27 mai 1959. Ni le rétablissement de la Haute-Volta en 1947, ni les indépendances proclamées ici le 5 août 1960 et en Côte d'Ivoire le 7 août 1960 n'ont rien changé fondamentalement. Les liens sociaux se sont établis. Aujourd'hui les deux peuples connaissent beaucoup de brassage. 

L'axe Yamoussoukro-Ouagadougou

C'est compte tenu de ces liens profonds que j'avais promis d'engager avec le président Compaoré, les discussions et les réflexions sur la manière de redynamiser l'intégration des économies ouest-africaines. La conviction pour y parvenir, il nous faut renforcer davantage la coopération entre la Côte d'ivoire et le Burkina Faso. En effet, il n'y a pas, il ne peut y avoir d'intégration régionale qui ne s'appuie sur un pivot, sur un axe central. L'Union européenne est bâtie autour de l'axe Paris-Berlin. Je propose l'axe Yamoussoukro-Ougadougou. Comme pivot de la coopération au sein de l'UEMOA et de la CEDEAO. Le disant, je n'entends exclure personne naturellement. J'entends au contraire donner toutes les chances à notre union en appelant à un projet fondé sur la base des réalités historiques et économiques incontournables. La Côte d'Ivoire et le Burkina sont déjà réunis par une ligne de chemin de fer. Les réformes engagées par les autorités du Port autonome d'Abidjan font désormais du Burkina, du Niger et du Mali les partenaires de la gestion de cet outil de développement de notre sous-région. A cela, il faut ajouter les promesses de l'interconnexion électrique, du prolongement de l'autorité du Nord en Côte d'Ivoire, de la construction d'un pipeline pour l'acheminement rapide des produits pétroliers vers le Burkina et les autres pays. Nous sommes déjà dans la construction d'une économie qui a pour vocation de sortir nos pays et nos peuples du sous-développement. A cet égard, chacun se plait à dire que la Côte d'Ivoire est la locomotive de l'UEMOA. Nous avons pleinement conscience de cette responsabilité. C'est pourquoi, même dans les moments de crise, nous veillons à ce que l'essentiel soit préservé. Et l'essentiel ici, ce sont les infrastructures dont dépendent la vie économique et la vie tout court des populations dans tous els pays de la sous-région. Quand la paix est troublée en Côte d'Ivoire, on s'en est bien rendu compte, c'est l'exploitation du chemin de fer qui est perturbée ; ce sont les activités de notre port commun qui sont au ralenties ; c'est la misère qui s'installe au sein de nos populations. 

La solidarité doit être organisée

Nous avons le devoir de renforcer la solidarité entre nos pays et entre nos peuples. Mais la solidarité doit être organisée. Fort heureusement, nous avons une pratique commune qui s'appuie sur les périodes de la gestion de notre monnaie, le franc CFA. Grâce à cette expérience et malgré ces limites, notre économique semble résistée aux chocs extérieur et intérieur. C'est fort de cela que je soutiens que rien ne devrait être entrepris pour saborder la monnaie commune et l'affaiblir. Tout au contraire, nos énergies doivent converger vers le renforcement de cet outil pour le rendre plus performant et donc plus attrayant. 
Notre objectif doit être d'élargir la zone à d'autres Etats de la sous-région. Mais dans cet espace naturel, outre le renforcement indispensable de la monnaie commune, nous avons encore des défis importants qu'aucun de nos pays ne peut prétendre affronter ni relever tout seul. Parmi ces défis, il y en a pour lesquels le rôle de nos parlements me semble important. Il s'agit en premier lieu de la question de l'immigration à l'intérieur et à l'extérieur de notre zone. Certes, les mouvements migratoires à l'intérieur de notre zone, préoccupent chacun de nos Etats, mais les mouvements de migrations vers l'extérieur de la zone, doivent faire l'objet d'une attention toute particulière de notre part. L'enjeu est de taille. Car aujourd'hui, dans la compétition ouverte pour assurer ou retenir les compétences de notre propre jeunesse, nous partons perdants. Nos jeunes choisissent de plus en plus de s'expatrier, quand ils sont compétents. Le deuxième défi concerne la formation des élites. Depuis la décennie 90, nous assistons à la dégradation non seulement de l'environnement l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique, mais aussi de la qualité même de la formation dispensée. C'est une hypothèque sur l'avenir. Et ici, comme pour les autres questions de politique commune aucun de nos Etats ne peut prétendre s'en sortir seul. Il ne peut y avoir d'enseignement supérieur performant au Burkina, au Sénégal, au Togo etc. Si l'université est en crise en Côte d'Ivoire ou dans un seul de nos pays. L'autre préoccupation pour laquelle la solidarité régionale est indispensable, concerne les pandémies. 

La lutte contre les pandémies

Le VIH/SIDA bien sûr, mais aussi le paludisme, la méningite la fièvre Typhoïde, etc. Parce que la Côte d'Ivoire est un pays d'accueil, un pays de brassage de tous les peuples de la sous région, nous mesurons l'importance d'une lutte commune contre les maladies qui peuvent se rependre rapidement dans tous les pays. Je n'oublie pas la question de l'environnement et de l'économie. Parce qu'elle est l'un des réservoirs connecté de l'Afrique de l'Ouest, la Côte d'Ivoire est la gardienne de l'économie de toute la sous-région. C'est ensemble que nous devons protéger ce patrimoine. Une autre question est celle des infrastructures, et particulièrement des infrastructures énergétiques. Je voudrais en effet attirer l'attention sur l'épineux problème de la production et de la distribution de l'énergie. Nous disposons dans l'espace CEDEAO de toutes les ressources modernes de l'énergie. Nous avons le pétrole ; nous avons le gaz ; nous avons l'uranium ; nous avons les fleuves. Et pourtant, nous n'avons d'électricité. Il nous appartient de faire de la question de l'énergie, une question essentielle de politique commune. C'est à cette condition que nous pourrons donner un second souffle à l'économie sous régionale. Enfin tous les conflits que nous avons connus en Afrique de l'ouest, depuis une vingtaine d'années, ont montré l'urgence d'une politique commune, en matière de sécurité. La lutte contre l'insécurité sous toutes ses formes nécessite des moyens qu'aucun de nos pays ne peut réunir, tout seul. 

"L'actualité nous 

laurent_gbagbo

compaoré gbagbo_0

interpelle"

Tels sont les défis qui se présentent à nous. La plupart de ces questions ont déjà fait l'objet de réflexions et même de décisions. Des organismes sont créés. Des hommes et des femmes sont au travail. Il reste à souhaiter que leur travail ne soit pas sans effet. Au-delà des questions que je viens d'évoquer, l'actualité nous interpelle sur un enjeu primordial. Regardons comment nos petits pays fragiles, se démènent désespérément face à la crise alimentaire. Cette crise pose en réalité la question de la production agricole dans notre région. Nous ne pouvons pas régler durablement la question de la nourriture dans nos pays en Afrique de l'Ouest, sans une réorientation profonde de nos options agricoles. J'invite nos élus, j'invite nos élites, dans nos institutions nationales et régionales à la réflexion sur cette question vitale. N'oublions jamais que ce que nous manquons de faire nous-mêmes sera perdu par nous et pour nous. Car il ne se trouvera personne pour faire à notre place ce qui relève de notre responsabilité directe. Vous êtes les représentants de nos peuples. Vous êtes aussi les garants de notre avenir commun.

Je compte sur vous. 
Que Dieu bénisse le Burkina Faso et la Côte d'Ivoire.

Que Dieu bénisse notre coopération commune,

Que Dieu bénisse l'Afrique. 


Je vous remercie. 

Retranscrit par César Ebrokié et Jean Goudalé

 Le président ivoirien, Laurent Gbagbo, en visite de 72 h à Ouagadougou depuis lundi,

s'est adressé hier au parlement burkinabé.

Nous vous proposons l'intégralité de son intervention. 



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