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LE COMBATTANT
16 juin 2017

MON REGARD SUR GBAGBO: Un homme d’une extraversion excessive et insolite

      Deuxième personnage à parvenir au pouvoir d’Etat à la suite de Bédié, après la parenthèse « salutaire » du général-président Robert Guéi, Laurent Gbagbo, surnommé le Woody ou Séplou par ses adulateurs, m’apparait comme un homme d’une extraordinaire ouverture vers l’autre.

      Mais comment parler de cet homme avec objectivité, sans être taxé de parti-pris, moi qui suis connu comme un de ses principaux admirateurs, mieux un fidèle parmi ses plus fidèles ? Je ne me fais aucun souci à ce niveau… Sur le chemin de la politique, les premières impressions que j’ai eues de Laurent Gbagbo n’ont pas été modifiées. L’homme est resté, depuis bientôt 25 ans que nous cheminons ensemble, égal à lui-même, jovial, l’allant sincère avec son vis-à-vis, un homme qui manifeste une simplicité à être avec ses semblables. C’est un homme généreux en relations humaines qui ne cherche qu’à plaire et à rendre heureux son prochain. Sa vie lui importe peu, n’ayant aucun souci de la mort. Ce qui le préoccupe au quotidien, c’est comment accomplir ses tâches de leader qu’il fût dans l’opposition et de chef d’Etat après son accession au pouvoir, tâches qu’il conçoit comme une mission à lui donnée par Dieu.
      Plusieurs fois, lorsque ses camarades de parti ou ses collaborateurs venaient à lui, pour lui révéler que des projets d’assassinat étaient fomentés contre sa personne, il répondait chaque fois, agacé :« J’ai dit en 1990, Je suis un homme politique je fais mon travail et je laisse aux assassins le soin de faire leur travail. Cette phrase est encore valable… Mon rôle c’est de parcourir toute la Côte d’Ivoire et de parler pour que les gens soient libres et qu’ils se libèrent des chaînes qui entravent leur mouvements. Celui qui veut tuer qui est assassin, son rôle c’est de tuer. Nous n’avons pas le même travail. S’ils veulent me tuer qu’ils me tuent ». ns l’opposition déjà, il a pris parti pour le pauvre et s’est engagé pour lui faire droit. Il est très attentif à tous les malheureux, voire à tous ceux à qui, il manque quelque chose pour pouvoir vivre ou qui ont le sentiment de n’être pas en sécurité ou encore de ne compter pour rien aux yeux des autres. Dans ce registre, je rapporte ici un fait distinctif de son regard attentionné vis-à-vis du pauvre.

     En 1991, à Gagnoa, la direction du Fpi s’était donné rendez-vous pour un séminaire sur l’économie sociale de marché. Avant le début dudit séminaire, un meeting avait été organisé à Garahio à l’intention des militants du Fromager. Ceux-ci, à la vue de Laurent Gbagbo, se balayaient pour aller saluer le leader de l’opposition assis à la véranda de la salle devant accueillir les séminaristes. Dans cette ambiance jubilatoire, une vieille dame, courbée par le poids de l’âge, prenant appui sur un bâton, tenta de se frayer un chemin pour aller elle aussi poser sa main dans celle de Laurent Gbagbo. Bousculée à chaque pas par les joyeux militants, manquant d’être fauchée, elle finit par stopper, malgré elle, son aventure en s’asseyant sur les grandes racines découvertes par le temps d’un grand arbre au milieu de la cour. De sa place, malgré la foule fanatique, Laurent Gbagbo avait suivi le mouvement de la vieille dame et s’était pris de compassion pour elle.
       Je le vis alors, mettre discrètement la main dans sa poche ; il en sortit un billet de banque qu’il remit à Eugène Allou pour aller le donner à la vieille femme. Celle-ci, dès qu’elle reçut l’argent, retrouva soudainement une jeunesse dans ses membres et disparut, heureuse de savoir que, dans la mêlée, Gbagbo a pu la voir et lui a fait ce don. Plus que la vieille dame, je fus frappé par cette attention de Gbagbo qui est capable de comprendre la détresse de son peuple même dans les moments de réjouissance populaire. Je n’oubliai jamais ce geste que j’interprétai comme un signe extérieur de la qualité d’un homme qui venait soulager la douleur de son peuple et surtout celle des plus faibles. C’est cette option d’ailleurs à défendre la cause des plus faibles, des affamés, des affligés, des exclus, qui lui vaudra le soutien du peuple qui s’identifiera en lui dans les durs moments que vivra notre pays suite à l’assaut meurtrier des ennemis de la patrie dès septembre 2002.

Toute sa vie d’homme politique, il montrera dans ses discours comme dans ses actes qu’il fait corps avec la grande masse des pauvres de notre pays. En témoigne l’extrait de son discours tenu le 16 août 1998 lors d’un meeting au stade du bloc célibataire de Yopougon, meeting au cours duquel, en témoin avisé, il décrivit en des termes qui lui sont propres, la précarité de la vie des Ivoiriens et le drame social dans lequel ils étaient plongés sous la gouvernance de Konan Bédié :
« L’économie, dit-il, ce n’est pas seulement que des chiffres. L’économie, c’est la vie des gens. Si les gens ne dorment pas la nuit dans les quartiers populaires d’Abidjan, ce n’est pas qu’ils n’ont pas sommeil, mais c’est parce qu’ils ne savent pas où dormir… Le peuple souffre, le peuple a faim. Pendant ce temps, ceux qui sont au pouvoir n’attendent plus leurs paradis au ciel parce qu’ils ont leur paradis sur terre ».
      Dans un environnement économique où, Daniel Kablan Duncan, Premier ministre d’alors, chantait à longueur de journée que la Côte d’Ivoire connaissait une croissance de l’ordre de 7 %, l’existence des pauvres dont le nombre ne cessait d’augmenter depuis l’arrivée de Bédié au pouvoir apparaissait aux yeux de Gbagbo comme l’expression du scandale. Aussi prit-il l’option d’être au milieu des pauvres le signe retentissant d’une grande espérance. On comprend dès lors, qu’une fois parvenu au pouvoir, il mettra en route, dans un esprit de justice et de solidarité sociales, ses politiques révolutionnaires de gratuité et de libéralisation de l’école pour donner une chance égale à tous les enfants du pays à avoir accès à l’éducation, de l’assurance maladie pour permettre à tous les malades sans distinction sociale de se soigner convenablement, de redistribution des richesses aux paysans ivoiriens suivant leur effort au labeur, de formation professionnelle adaptée au marché de l’emploi pour aider les jeunes à avoir un travail décent, durable et bien rémunéré.

       A cause de cette option en faveur du pauvre et se voulant proche du petit peuple, il posera des gestes ou apparaitra dans des tenues qui feront dire de lui qu’il est un chef d’Etat atypique, c’est-à-dire un homme qui ne se conforme pas aux normes selon le regard des riches, des gens aux bons parfums et des soi-disant maîtres du monde. Il est Gbagbo, un Africain, dans le corps comme dans l’âme, un homme de chez nous que beaucoup ont vu grandir, un fils de pauvre qui a côtoyé la pauvreté toute sa vie. Son choix préférentiel du pauvre est donc un choix, non pas seulement idéologique, mais un choix naturel. Et, bien que président de la République, je l’ai vu, en sa résidence officielle de Cocody, manger à table à la main, sans cuillères ni fourchettes même devant des visiteurs étrangers surtout les Européens toujours étonnés et impressionnés à la fois. Je l’ai vu préférer son riz couché au réveil, aux déjeuners copieux à l’européenne. Je l’ai vu bouleverser les règles du protocole d’Etat pour accueillir à bras ouvert et à gorge déployé ceux qu’il reconnaissait dans la foule lors des visites d’Etat. Je l’ai vu se pencher à la hauteur de tous ceux qui désiraient lui parler en privé. Il ne se laisse pas séduire par l’or ni ne s’entoure d’ornements fastueux. Il ne peut pas être heureux tout seul en laissant le peuple démuni.
Lazare KOFFI KOFFI.
(Extrait de COTE D’IVOIRE, MA PASSION.
UNE EXPERIENCE DE FOI EN POLITIQUE. L’Harmattan, Paris, 2014, pp.227-229)

 

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