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LE COMBATTANT
26 février 2017

Discours du Président Laurent GBAGBO à l'occasion du sommet de l'UA consacré à la Côte d'Ivoire.

Discours du Président Laurent GBAGBO à l'occasion du sommet de l'UA consacré à la Côte d'Ivoire

DISCOURS DU CHEF DE L’ETAT AU SOMMET DE L'UNION AFRICAINE A ADDIS-ABEBA
presidence.ci - Vendredi 20 Octobre-2006
 
Excellence Monsieur le Président de la République du Cameroun,
Président du Conseil de Paix et de Sécurité de l'Union Africaine Monsieur le Président de la République d'Afrique du Sud,
Médiateur de l'Union Africaine dans la crise ivoirienne,
Messieurs les Chefs d'Etat des pays membres du Conseil de Paix et de Sécurité de l'Union Africaine,
Mesdames et Messieurs les Chefs de délégation représentant les Chefs d'Etat ou de Gouvernement de leurs pays respectifs,
Mesdames et Messieurs,
Au mois d'octobre de l'année dernière, vous vous êtes réunis ici pour entendre les représentants des organisations internationales et des organismes chargés de gérer la crise ivoirienne. Bien sûr, vous avez aussi entendu mon représentant; Monsieur Laurent Dona Fologo, Président du Conseil Economique et Social de mon pays, qui vous a livré le message dont je l'ai chargé. A la fin de vos délibérations, vous avez publié un communiqué qui constitue la substance de la résolution 1633 du Conseil de Sécurité de l'ONU.
Le paragraphe 16 de ce communiqué indique que le Conseil de Paix et de Sécurité de l'Union Africaine a décidé "de demeurer saisi de la question " ivoirienne. C'est la raison pour laquelle, après les exposés des représentants des mêmes organisations et organismes chargés de gérer la crise en Côte d'Ivoire que vous venez d'entendre, je suis devant vous pour vous faire l'état de la crise telle qu'elle est vécue par les Ivoiriens et par les autorités ivoiriennes afin de vous faire des propositions nouvelles qui nous permettront de progresser. J'ai déjà largement exposé cette situation dans le discours que je me proposais de prononcer devant la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement de la CEDEAO à Abuja, le 06 octobre dernier, mais faute de temps, je n'ai fait que le distribuer à la presse.
J'ai fait tenir une copie de ce texte en Anglais et en Français à chacun de vous. C'est pourquoi je ne m'attacherai plus ici qu'à formuler cinq demandes précises. La satisfaction et la mise en œuvre de ces cinq demandes permettront la réunification du pays, la paix, le redéploiement de l'Administration et des élections justes, régulières et transparentes. Ma première demande est la condamnation de la rébellionMesdames et messieurs, Des individus armés ont attaqué mon pays le 19 septembre 2002 en vue d'en renverser les institutions au moyen d'un coup d'Etat. Ces individus ont pu être immédiatement chassés d'Abidjan, la capitale économique, siège des institutions de l'Etat, et se sont retirés pour se fixer au Centre, au Nord et à l'Ouest du pays où, dans les circonstances que vous savez, ils se sont établis jusqu'à ce jour, se muant en une rébellion armée.
Pour mémoire, je vous rappelle le communiqué en date du 24 septembre 2002, soit moins d'une semaine après le déclenchement des hostilités, et par lequel notre organisation a "condamné fermement la tentative de remise en cause de la légalité constitutionnelle en Côte d'Ivoire et exprimé son soutien et sa solidarité au Gouvernement et au peuple de Côte d'Ivoire." A ce communiqué, j'ajoute la déclaration faite le 27 septembre 2002 par le Président de la Commission de l'Union Africaine, M. Amara ESSY, selon qui "on ne peut pas aujourd'hui accepter que - des insurgés prennent le pouvoir par des coups d'Etat." Je sais qu'une campagne médiatique savamment menée et l'étirement dans le temps du conflit sur plus de quatre années ont pu faire croire à certains qu'en Côte d'Ivoire, des factions armées sont aux prises. Mais vous savez tous que cela est faux et le croire serait un travestissement de l'histoire.
J'ai en effet été élu Président de la République le 22 octobre 2000 à 59,36% et j'ai prêté serment comme tel le 26 octobre 2000. Mon mandat étant d'une durée de cinq ans, les élections devaient être organisées, selon la constitution, dans le courant du mois d'octobre de la cinquième année de mon mandat. Il est donc faux de prétendre que deux factions armées sont aux prises parce qu'il s'agit bel et bien d'une tentative de coup d'Etat. Et les expressions "parties en présence ", "forces belligérantes ", "camp présidentiel et bloc rebelle " visent non seulement à légitimer la rébellion de façon sournoise mais également à la faire passer, du point de vue de la légitimité, pour l'égale du pouvoir démocratiquement élu qu'elle voulait renverser et dont elle ne cesse de clamer sa volonté de renversement.
C'est pourquoi la première demande que je vous adresse est de condamner la tentative de coup d'Etat comme mode d'accession au pouvoir par des moyens anticonstitutionnels. J'entends que désormais, dans, chacune des décisions que prendra l'Union Africaine dans cette crise, la rébellion soit rituellement et fermement condamnée, surtout que cette volonté de renversement d'un pouvoir démocratiquement élu est encore exprimée. En le disant, je suis dans mon droit par rapport aux textes de l'Union Africaine. Quels sont ces textes? Le premier est l'Acte Constitutif de l'Union Africaine. Il indique, au titre des principes de fonctionnement de l'organisation, à l'article 4 (b), la "condamnation et le rejet des changements anticonstitutionnels de gouvernement."
-Ensuite, la décision n° AHG/DEC.142 (XXXV) adoptée à l'occasion de la 35ème session ordinaire de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement qui s'est tenue à Alger du 12 au 14 juillet 1999, selon laquelle l'Oua est " déterminée à promouvoir des institutions fortes et démocratiques… " ; - Enfin, la décision n° AHG/DEC.142 (XXXVI) adoptée à l'occasion de la 36ème session 'ordinaire de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement" qui s'est tenue à Lomé du 10 au 12 juillet 2000, par laquelle notre Union a réitéré" sa condamnation de tout type de changement anticonstitutionnel de gouvernement comme anachronique et en contradiction avec son engagement à promouvoir les principes démocratiques et l'Etat de droit.
" Cette conférence a également adopté un document intitulé " Déclaration sur le cadre pour une réaction de l'OUA face aux changements anticonstitutionnels de gouvernement." Cette déclaration est intéressante pour le cas ivoirien parce que non seulement elle énonce des principes mais elle en donne aussi la définition. Je vais me borner à citer un extrait de cette importante déclaration: "Pour rendre pratiques et efficaces ces principes que nous avons, énoncés, nous avons décidé de donner la définition suivante aux situations pouvant être considérées comme un changement anticonstitutionnel de gouvernement:
I. Un coup d'Etat militaire contre un gouvernement issu d'élections démocratiques ; ii. Une intervention de mercenaires pour renverser un gouvernement issu d'élections démocratiques; iii. Une intervention de groupes dissidents armés et de mouvements rebelles pour renverser un gouvernement issu d'élections démocratiques; , iv. Le refus par un gouvernement en place de remettre le pouvoir au parti vainqueur à l'issue d'élections libres, justes et régulières." La situation en Côte d'Ivoire correspond parfaitement aux trois premiers cas de la définition du changement anticonstitutionnel de gouvernement telle qu'arrêté par notre organisation. Notre organisation a également décidé que: "En cas de changement anticonstitutionnel dans un Etat membre, tel que défini ci-dessus, le Président en exercice de l'OUA et le Secrétaire Général doivent, au nom de l'OUA, condamner immédiatement et publiquement un tel changement et demander instamment le rétablissement rapide de l'ordre constitutionnel.
Le Président en exercice de l'OUA et le Secrétaire Général doivent également signifier clairement et sans équivoque aux auteurs du changement anticonstitutionnel qu'en aucun cas, leur action illégale ne sera tolérée ni reconnue par l'OUA." Je demande donc l'application des textes dans toute leur rigueur.Ma deuxième demande est le désarmement de la rébellion Dès lors que la rébellion est reconnue comme illégitime et a été condamnée en ce qu'elle a recouru à des moyens anticonstitutionnels pour accéder au pouvoir d'Etat, elle doit être désarmée. Tout le long du processus de sortie de crise, la rébellion et tous les partis politiques qui la soutiennent de même que les instruments nationaux et internationaux de mise en œuvre du processus de sortie de crise se sont attachés à ruser avec tous les accords et toutes les décisions.
En vous épargnant les péripéties qui ont précédé la mise en place du Gouvernement de Réconciliation Nationale du 13 mars 2003, je vous indiquerai seulement le contenu de l'Accord de Marcoussis dont il est issue la dissolution du Gouvernement de large ouverture que je venais de former le 5 août 2002 et qui comprenait des membres de tous les partis politiques représentatifs de Côte d'Ivoire; la nomination d'un Premier Ministre dit de consensus; la formation d'un Gouvernement dit de Réconciliation Nationale comprenant des membres de la rébellion et des membres des partis politiques ayant pris part à la Table ronde de Marcoussis; la prise de mesures législatives dans les domaines suivants: l'identification-,des personnes et le séjour des étrangers; Ies Droits de l'Homme; le Code foncier rural; le statut des Partis politiques et de l'opposition; le régime électoral ; le régime juridique de la presse; la nationalité.
L'Accord de Marcoussis me demandait également la prise d'autres mesures, notamment: la modification de la Constitution afin de rendre éligible l'ex-premier Ministre Alassane Ouattara, au sujet de qui la plus haute juridiction de Côte d'Ivoire avait rendu une décision d'inéligibilité la délégation de pouvoirs au Premier Ministre pour accomplir ses tâches; - une loi d'amnistie pour mettre les rebelles en confiance et leur permettre de faire partie du Gouvernement, mais surtout pour leur permettre d'accomplir sans crainte pour leur vie et leur liberté la seule obligation qui a été mise à leur charge par l'Accord de Linas-Marcoussis: le désarmement.
Au moment où se concluait l'Accord de Marcoussis en 2003, les élections n'étaient pas en vue puisque mon mandat prenait fin plus de deux années plus tard: Le désarmement était donc le moyen de réunifier le pays et d'obtenir la paix. C'est uniquement pour obtenir la paix par la réunification immédiate du pays que j'ai accepté cet accord dit de Marcoussis puisqu'il indiquait en effet que le gouvernement formé devait, dès sa mise en place, effectuer le désarmement de la rébellion. Mesdames, Messieurs,Le Gouvernement a été mis en place le 13 mars 2003. Cela fera bientôt quatre ans. Jusqu'à ce jour, aucun début de commencement du désarmement n’a été effectué.
Après le rendez-vous manqué de l'immédiateté du désarmement dès la formation du Gouvernement de Réconciliation Nationale le 13 mars 2003, le Premier Ministre dudit Gouvernement, Monsieur Seydou DIARRA, après avoir rencontré les rebelles, a annoncé, en leur présence, que le désarmement se ferait le 08 mars 2004. Ce rendez-vous n'a pas été tenu. Le Secrétaire Général de l'ONU, devant les blocages, a, convoqué à Accra, capitale du Ghana, une conférence à laquelle ont pris part plusieurs Chefs d'Etat africains. C'est de cette conférence qu'est né I'Accord d'Accra III qui exigeait, en son paragraphe 9, le désarmement des rebelles au plus tard le 15 octobre 2004. Cette date est arrivée à échéance sans que les rebelles aient commencé le désarmement.
L'Union Africaine, notre organisation continentale, a pris la décision de désigner un médiateur dans la crise ivoirienne en la personne du Président Thabo MBEKI,.Président de la République d'Afrique du Sud. J'ai déjà dit et je le répète, que la désignation du Président MBEKI a été applaudie par toutes les parties au conflit et par tous ceux qui s'intéressent à la Côte d'Ivoire. Celui-ci, en bon médiateur, a commencé sa mission par une première visite à Abidjan. Il a effectué ensuite une deuxième visite qui a duré quatre jours. Au cours de ces quatre jours, il a rencontré toutes .Ies parties. Ayant par lui-même relevé les blocages, il a établi une feuille de route comportant des obligations précises pour les parties. A l'échéance du chronogramme établi par cette feuille de route, j'avais été le seul à l'avoir exécuté.
Le Président Thabo MBEKI a alors convoqué les parties à Pretoria pour de nouvelles négociations qui ont abouti à la conclusion de l'Accord de Pretoria. Je me réjouis de la présence à cette réunion du Président Thabo MBEKI. Il pourra lui-même dire les sacrifices qu'il m'a demandé de faire pour avoir la paix dans mon pays. La paix pour moi, c'était le désarmement et la réunification. Et celui-ci (le désarmement) était bien prévu par les paragraphes 4 et 5 de l'Accord de Pretoria. Il n'a jamais commencé. En tout état de cause, faisant le rapport de sa médiation sur la crise ivoirienne le 31 août 2005 devant l'ONU, le Président sud-africain a, par la voix de son ministre de la Défense Mosuloa Lekota, déclaré que le président de la République de Côte d'Ivoire avait entièrement appliqué tous les accords signés et que de tous les signataires, il était le seul à avoir tenu sa part d'engagement.
Au nom du Médiateur, le Ministre sud-africain a déposé devant le Conseil de Sécurité en ces termes: "tous les accords nécessaires pour lever les obstacles à l'application des Accords ont été finalisés" et "les décisions prises par le Conseil de Sécurité, selon lesquelles toute personne qui fait obstruction à l'application des Accords fera l'objet de" sanctions, doivent être appliquées." Ce que voulait ainsi dire le Médiateur, c'est qu'il ne reste plus que le désarmement à faire et que les rebelles et l'opposition, qui ne veulent pas de ce désarmement, font obstacle à l'application des Accords et doivent être sanctionnés. Cela n'a jamais été fait.
Aujourd'hui, les rebelles fatigués de ruser avec la Communauté nationale et internationale avouent enfin qu'ils n'ont jamais voulu désarmer. Je vous citerai, pour illustrer cela, la déclaration de Monsieur Soro Guillaume qui, lors d'une conférence publique à New York, aux Etats-Unis, le 23 septembre 2006, affirmait: "On ne désarmera pas. On ne s'est pas battu, on n'a pas conquis 60% du territoire pour qu'on désarme. Une terre conquise par la guerre n'est jamais remise." Avec cette déclaration, tout le monde voit bien que les rebelles qui ont tout obtenu de tous les accords et de toutes les médiations en promettant le désarmement, n'ont jamais eu l'intention de désarmer. Je demande donc à l'Union Africaine d'ordonner le désarmement de la rébellion et de prendre toutes les dispositions pour qu'il soit réalisé.
Ma troisième demande est la suppression de la zone de confianceAu début du conflit, il a été instauré, par les forces impartiales, une ligne dite de non franchissement allant d'Est en Ouest, censée, à l'époque, constituer une zone tampon, empêchant les affrontements militaires. Cette ligne de non franchissement, à la pratique, est devenue une frontière intérieure consacrant la partition du pays en deux. C'est cette ligne qui permet d'utiliser aujourd'hui des expressions comme "Nord et Sud", "zone rebelle et zone gouvernementale", etc. Pour paraître moins choquante, il lui a été donné par ses créateurs, le nom de "zone de confiance." Malgré cette mutation nominale, cette zone n'a pas réussi à instaurer la confiance des populations riveraines puisqu'elle est régulièrement traversée par les rebelles qui viennent se livrer à des razzias meurtrières en zone gouvernementale.
Je citerai comme exemples les attaques par les rebelles des villages de Petit Duékoué et Guitrozon dans le département de Duékoué (Ouest de la Côté d'Ivoire), qui ont eu lieu dans la nuit du 1er au 02 juin 2005 et qui ont fait 41 morts, 64 blessés plus ou moins graves et une centaine de cases incendiées. Je précise que 11 des personnes tuées avaient été enfermées dans leurs habitations et brûlées vives. Aujourd'hui donc, la zone de confiance pose plus de problèmes qu'elle n'apporte de solutions. Elle constitue un obstacle physique à la réunification du pays et donc un obstacle à la' préparation et à l'organisation des élections.
Je demande donc à l'Union Africaine dont l'un des objectifs contenus dans la charte est de "défendre la souveraineté, l'intégrité territoriale et l'indépendance de ses Etats membres", de faire en sorte que cette zone de confiance soit démantelée. Ma quatrième demande est le retour à l'application pure et simple de la Constitution et des lois de Côte d'IvoireMesdames, Messieurs, L'actuel processus de paix a échoué. Et toutes les parties en conviennent. 1. Les autorités françaises, initiatrices dudit processus Selon ces autorités, il faut un nouveau cadre de règlement de la crise ivoirienne. Ce qui signifie que le cadre qu'elles ont mis en place a échoué. Ce qui signifie également que les arrangements qui ont été faits sur leur proposition se sont révélés infructueux.
2.Le Premier Ministre de Réconciliation Nationale Celui-ci a reconnu devant la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement de la CEDEAO tenue à Abuja le 06 octobre 2006, avoir échoué et avoir honte de son échec. 3. Le Groupe de Travail International (GTI)Il avoue aussi l'échec du processus en relevant des blocages et demande, pour que ces blocages soient levés, que les pouvoirs du président de la République soient transférés au premier ministre. En un mot, le GTI demande que le coup d'Etat du 19 septembre 2002 soit parachevé. 4. Moi-même, Président élu de Côte d'Ivoire Je demande que ce processus de paix non africain soit abandonné pour que l'Afrique propose un processus fondé sur l'équité, les principes de l'Union Africaine et la Souveraineté de la Côte d'Ivoire.
C'est pourquoi je demande le retour pur et simple à l'application stricte de la Constitution, la contrepartie que j'attendais de toutes les délégations de pouvoir, de toutes les concessions et de tous les sacrifices que j'ai consentis, ne m'ayant pas été donnée, le désarmement n'ayant pas été fait. En effet, le processus français de sortie de crise a échoué parce que d'une part, les différents Premiers Ministres, plutôt que de s'atteler exclusivement à l'accomplissement des missions précises qui leur ont été confiées, se sont acharnés à rechercher pour eux-mêmes les pouvoirs que le Président de la République détient du peuple de Côte d'Ivoire, à travers sa Constitution.
D'autre part, parce que les ministres du Gouvernement de Réconciliation Nationale n'obéissent qu'aux ordres de la Direction des partis et mouvements rebelles qui les ont proposés au Gouvernement. Il s'en suit un délaissement des affaires de l'Etat au profit des intérêts partisans. Ce qui est inacceptable pour un pays en crise. Pis, les ministres et les chefs de leurs partis, ne cachent même plus leur intention de parvenir à leur fin, à savoir obtenir mon renversement. Je vous épargnerai les différentes déclarations des uns et des autres. Il me suffira seulement de vous citer quelques morceaux choisis: - Premièrement, de Monsieur SORO Guillaume qui, après la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement de la CEDEAO tenue à Abuja le 06 octobre 2006, disait dans une interview publiée le lundi 09 octobre 2006 par le Nouveau Réveil, organe de presse au service du PDCI-RDA : "On ne peut pas demander à la Communauté internationale de venir enlever Gbagbo du pouvoir à notre place. Ce n'est pas cela son travail de venir enlever Gbagbo pour nous.
C'est à nous d'enlever Gbagbo." -Deuxièmement, du Professeur Alassane Salif N'DIAYE, Porte-parole du RHDP (Rassemblement des Houphouétistes pour la Paix, groupement des partis d'opposition), qui a tenu les propos suivants: "…Après le 21 octobre, Gbagbo n'est plus chef d'Etat… Il faut chasser Gbagbo par tous les moyens. …" C'est pourquoi le retour à la constitution est requis pour me permettre de désigner le Premier ministre de mon choix et des ministres qui sont soucieux de se conduire de façon républicaine, en se conformant à la politique de la nation déterminée par le Président de la République, en vertu de la Constitution.
Mesdames, Messieurs, Il faut dès maintenant et urgemment mettre fin au processus de Marcoussis en revenant à l'équité et à la légalité constitutionnelle comme l'exigent les textes de notre Union. - Le premier texte auquel je ferai référence est l'article 3 (b) de l'Acte Constitutif de l'Union Africaine qui, au titre des objectifs de l'organisation, indique que celle-ci a pour mission de "défendre la souveraineté, l'intégrité territoriale et l'indépendance de ses Etats membres. " -Le deuxième texte est la "Déclaration sur le cadre pour une réaction de l'OUA face aux changements anticonstitutionnels de gouvernement" par laquelle "nous sommes convenus de retenir les principes ci-après comme cadre de définition des valeurs et principes communs pour la démocratisation de nos pays: -premièrement, adoption d'une Constitution démocratique dont l'élaboration, le contenu et le mode de révision devraient être conformes aux principes généralement convenus de démocratie; -deuxièmement, respect de la Constitution et des dispositions des lois et autres actes législatifs adoptés par le Parlement…" Je m'inscris parfaitement dans cette exigence de l'Union Africaine en demandant l'application de la Constitution de mon pays qui est l'acte de souveraineté par excellence de chaque Etat.
La Constitution de la Côte d'Ivoire a été adoptée le 23 juillet 2000 et promulguée le 1er août 2000.Au cours de la campagne référendaire ayant abouti à son adoption, tous les leaders politiques sans exception, je dis bien sans exception, ont appelé à voter le projet de Constitution. Elle a été adoptée à 86,53 % avec un taux de participation de 55,05 %, taux jamais égalé dans aucune consultation populaire en Côte d'Ivoire. Je n'étais pas Président de la République et je n'ai donc pas pu tailler cette constitution à ma mesure. D'autre part, nourri par l'expérience du coup d'Etat de 1999, le peuple de Côte d'Ivoire a tout mis en œuvre pour se prémunir contre toute aventure en prévoyant le cas où les élections à la Présidence de la République n'auraient pas lieu. Malgré cela, ceux qui veulent obtenir mon renversement soutiennent qu'il y a un vide juridique dans la Constitution et font preuve de mauvaise foi en méconnaissant volontairement la Constitution.
Celle-ci dit en effet en son article 38 que: "En cas d'événements ou de circonstances graves, notamment d'atteinte à l'intégrité du territoire ou de catastrophes naturelles rendant impossible le déroulement normal des élections ou la proclamation des résultats, le Président de la Commission chargée des élections saisit immédiatement le Conseil constitutionnel aux fins de constatation de cette situation. Le Conseil constitutionnel décide dans les vingt quatre heures de l'arrêt ou de la poursuite des opérations électorales ou de suspendre la proclamation des résultats. Le président de la République en informe la Nation par message. Il demeure en fonction. Dans le cas où le Conseil constitutionnel ordonne l'arrêt des opérations électorales ou décide de la suspension de la proclamation des résultats, la Commission chargée des élections établit et lui communique quotidiennement un état de l'évolution de la situation.
Lorsque le Conseil constitutionnel constate la cessation de ces événements ou de ces circonstances graves, il fixe un nouveau délai qui ne peut excéder trente jours pour la proclamation des résultats et quatre vingt dix jours pour la tenue des élections." L'article 39 poursuit: "Les pouvoirs du Président de la République en exercice expirent à la date de prise de fonction du Président élu, laquelle a lieu dès la prestation de serment. Dans les quarante-huit heures de la proclamation définitive des résultats, le Président de la République élu prête serment devant le Conseil constitutionnel réuni en audience solennelle…" Ces textes sont des textes utilitaires parce que le peuple ivoirien a fait du Président de la République, à l'article 34 de la Constitution, le Chef de l'Etat.
C'est lui qui incarne la permanence des institutions en ce qu'il incarne l'unité nationale, assure la continuité de l'Etat et veille au respect des engagements internationaux. Notre Constitution est donc le dernier bouclier pour l'ordre et la loi. La contourner, la modifier ou la suspendre serait la voie ouverte au désordre et à l'anarchie. Je demande donc au Conseil de Paix et de Sécurité l'application pure et simple de la Constitution de la Côte d'Ivoire et la suppression des instruments nationaux (le Premier ministre et le gouvernement de réconciliation nationale) et internationaux (le groupe de travail International) de mise en œuvre du processus défunt de Marcoussis. En lieu et place, je demande, la désignation par le Président de la République d'un Premier Ministre de son choix et la nomination de ministres sur la proposition de ce dernier, le tout conformément à la Constitution.
Ma 5ème demande est le maintien du Président Thabo MBEKI dans les fonctions de Médiateur de l'Union Africaine dans la crise ivoirienne et l'appropriation subséquente du processus de paix par l'AfriqueJ'ai déjà rappelé devant la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement de la CEDEAO que toutes les fois que le processus de paix en Côte d'Ivoire a fait des progrès, c'était sous des médiations africaines. D'abord, celle de Feu le Président GNASSINGBE Eyadéma qui était à la veille de conclure un accord de paix entre l'Etat ivoirien et la rébellion quand il a été dépossédé du dossier par l'annonce de la convocation d'une table ronde en France. Ensuite, la désignation par l'Union Africaine de son Excellence Monsieur Thabo MBEKI, Président de la République d'Afrique du Sud dans les fonctions de Médiateur, qui a permis d'enregistrer la satisfaction de toutes les revendications formulées par la rébellion et par les partis politiques qui la soutiennent, même si certaines de ces revendications étaient franchement contestables.
Je vais en citer quelques-unes: La nomination d'un Haut Représentant aux élections, institution qui a été mise en place à la demande de la rébellion et qui n'existe nulle part dans le monde; la mise en place, pour organiser des élections justes et transparentes, d'une Commission Electorale Ad hoc comprenant des rebelles et assurant à ceux-ci et aux partis politiques qui la soutiennent, une majorité parfaite; l'attribution de la direction de la seule chaîne de télévision et de radio d'Etat à la rébellion, alors que celle-ci anime dans les zones sous son contrôle une chaîne de télévision et de radio lui permettant d'y faire sa propagande; la prise par moi-même d'une décision présidentielle accordant l'éligibilité à la présidence de la République de Côte d'Ivoire à Monsieur Alassane Dramane OUATTARA, ce qui lui avait été refusé par la plus haute instance judiciaire de Côte d'Ivoire; sous l'impulsion du Président Thabo MBEKI, l'Assemblée Nationale de Côte d'Ivoire a, avec célérité, adopté les douze lois exigées par le processus de Marcoussis.
Quand cela a été fait, la rébellion a estimé que ces lois votées par notre Assemblée Nationale n'étaient pas conformes à la lettre et à l'esprit de Linas-Marcoussis. Le Président Thabo MBEKI m'a demandé de les modifier par décision exceptionnelle. Je l'ai fait. Après cette première modification, les rebelles ont encore estimé que trois de ces lois nécessitaient des précisions. Toujours à la demande du Président Thabo MBEKI, j'ai apporté, par décision exceptionnelle, ces précisions. Tous ces progrès, grâce à l'approche empreinte de tact et de courtoisie du Président Thabo MBEKI, ont été enregistrés au profit de la rébellion et des partis politiques d'opposition. C'est donc avec mépris que j'observe l'ingratitude détestable de ceux qui mènent la campagne médiatique tendant à faire passer aujourd'hui le Président Sud-Africain pour partial et partisan à mon profit. Je demande que l'Afrique prenne sur cette question une décision qui fera jurisprudence.
Je souhaite qu'il ne soit pas dit que les chefs d'Etat africains ont désigné l'un des leurs pour régler une crise africaine et que parce qu'il était contesté par un mouvement armé ayant échoué dans sa tentative de renverser un Président élu, ils l'ont démis. Une telle décision n'est ni honorable ni acceptable pour nous, Chefs d'Etat africains. Je termine mon propos sur ce point en indiquant que toutes les médiations parallèles doivent prendre fin au profit de la seule médiation du Président Sud-Africain qui a donné les seuls 'résultats concrets.
Je profite de cette occasion pour demander aux Chefs d'Etat africains que les résolutions de l'ONU sur le règlement des crises africaines en général, et sur le règlement de la crise ivoirienne en particulier, résultent de propositions directement faites à l'ONU par l'Union Africaine et, dans le cas ivoirien, directement par le Médiateur, après avis du Président de l'Union Africaine et de l'Etat ivoirien.
Je suis convaincu que la mise en place de toutes ces conditions nous conduira rapidement à la réunification du pays, à la paix, au redéploiement de l'administration et à des élections justes, régulières et transparentes. Mesdames, messieurs, Je vous remercie d'accepter de rédiger en des termes clairs et précis, ne laissant place à aucune interprétation, le communiqué issu de vos délibérations.
Je vous remercie de votre attention.

 

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