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LE COMBATTANT
24 décembre 2016

Gestion de la dette ivoirienne: Comment Président Laurent Gbagbo a obtenu le point de décision de l’initiative PPTE

Laurent Gbagbo, au pouvoir, pouvait-il se dérober du stock de la dette trouvé sur place pour avancer ? C’est à cette épineuse question que l’économiste Maurice Lohourignon a essayé de répondre dans sa communication au thème : «La gestion du programme PPTE sous la gouvernance du président LaurentGbagbo». C’était à l’occasion du séminaire sur l’endettement de la Côte d’Ivoire, marquant la 15ème édition de la Fête de la liberté, célébrée samedi dernier à Abidjan Riviera.

Introduction

Notre présentation se propose, en guise d’introduction de faire un bref rappel de la genèse des différents modes de traitement ou d’allégement du fardeau de la dette extérieure des pays du tiers-monde. Elle s’articule en réalité autour de deux points essentiels :


-1- Le contexte dans lequel se met en œuvre le programme de l’initiative des PPTE sous la gouvernance de Laurent Gbagbo. Ce contexte est présenté en deux sous-points, d’abord les rapports de « l’intrus » Laurent Gbagbo avec la communauté financière internationale, ensuite les reformes que son pouvoir a engagées pour atteindre le point de décision de l’initiative PPTE. 


- 2- La tentative de maitrise du programme de l’initiative des PPTE entre l’atteinte du point de décision et la diabolisation ou « l’achèvement » de la gouvernance GBAGBO. Dans cette dernière partie on passera en revue les outils déterminants de la politique de la REFONDATION (Budget sécurisé, élaboration du document DSRP, la révision du DUS, l’AMU…) ainsi que les efforts de la gouvernance Laurent Gbagbo pour dompter le circuit de l’allégement du poids de la dette. 


En conclusion on tentera de faire ressortir comment les puissances financières manœuvrent pour continuer de contrôler la gestion de l’allègement de la dette et les limites de ce qui semblait une bouffée d’oxygène pour l’économie de notre pays.


   Vers le début des années 80 la Côte d’Ivoire connaît les premières secousses socio - économiques et financières liées aux multiples emprunts extérieurs du “mirage ivoirien “de la période Houphouët-Boigny. Elle sera admise au <> de la haute finance internationale dominée par les organisations multilatérales (FMI, Banque Mondiale, BAD…) les pays créanciers du club de paris (dette bilatérale) et les pays du club de Londres (dette privée) pour y subir les différentes modes de traitement a partir de 1982.

   Le rééchelonnement de la dette appuyé par les différents programmes d’ajustements structurels (PAS) a donné à l’économie une sorte de bouffée d’oxygène passagère. Malheureusement la Côte d’Ivoire ne survivra pas longtemps aux effets destructeurs de ces PAS. S’en suivent en effet, dès 1990, le démantèlement des structures économiques locales, (telle la Caisse de stabilisation et de soutien des prix des produits agricoles) les privatisations à tour de bras, puis la dévaluation en janvier 1994 du Franc CFA. Toutes ces mesures suivies de licenciements massifs des salariés et des fermetures d’entreprises vont lourdement altérer les ressorts du tissu social et économique.


    Pour les experts de la haute finance internationale, l’objectif exprimé dans ces programmes était de résoudre l’épineux problème de liquidités financières liées aux déficits des comptes macro-économiques et financiers (l’équilibre de la balance des paiements). De toute façon, les PAS ont énormément détruit les capacités financières des pays africains. Le report des échéances de paiement de dette dans le futur et les nouveaux prêts imposés dans le cadre des PAS ont contribué à augmenter considérablement le volume de la dette de la côte d’ivoire.


   En 1993, à l’arrivée au pouvoir de Konan Bédié la dette extérieure de la Côte d’Ivoire s’élève à 5812,4 milliards de francs CFA soit 142,5% du PIB, elle atteindra 12045 milliards en 1996 soit 155% du PIB. Le rééchelonnement de la dette dans le cadre des PAS n’a fait que prolonger la période de remboursement. En définitive, ces différentes techniques de traitement de la dette n’ont véritablement pas apporté une solution durable et convenable à la crise de l’endettement croissant des pays débiteurs. Les penseurs de la haute finance internationale n’abandonneront pas leur réflexion de remboursement de la dette quant à la gestion de l’argent prêté à nos pays et vont recourir à des aménagements mieux adaptés.


    Ainsi dès 1985 à l’initiative de James A. BAKER, Secrétaire au trésor des Etats-Unis, 15 pays lourdement endettés vont subir un autre type de rééchelonnement pluriannuel de la dette, accompagné d’un flux de nouveaux prêts pour donner à ceux-ci la capacité de rembourser leurs dettes. Cette initiative connaitra très vite un échec. En 1988 l’accord de Toronto va introduire pour la première fois dans la question de traitement de la dette en faveur des pays du tiers monde la notion de réduction de la dette publique en lieu et place du rééchelonnement.

   A partir de 1989, le plan brandy va définir les modalités d’allègement du poids de la dette et du financement de nouveaux prêts. En 1996 l’accord de Toronto fortement appuyé par le sommet du G7 à Lyon et renforcé au sommet de Cologne en 1999 ouvre une perspective nouvelle de traitement de la dette des pays pauvres et détermine un cadre global dans lequel les créanciers multilatéraux (Banque Mondiale ET FMI) et bilatéraux (pays créanciers)procèdent de manière concertée et coordonnée à des allègements de dette en faveur des pays pauvres très endettés dans le programme de l’initiative des pays pauvres très endettés (initiative PPTE). L’objectif étant de ramener le service de la dette du pays débiteur à un niveau supportable et compatible avec sa capacité de remboursement.


36 pays dont 30 en Afrique vont tous s’inscrire sur la liste des bénéficiaires. Evidement le gouvernement Bédié, très acculé va saisir cette perche financière au rebond dès 1998 pour obtenir l’éligibilité de la Côte d’Ivoire à ce programme de l’initiative des PPTE. Malheureusement avec les différents scandales financiers et politiques tels les affaires des 18 milliards de l’Union Européennes, les nombreuses questions non résolues relatives aux dépenses engagées non ordonnancées(DENOS) et aux exportations frauduleuses de café et cacao ont freiné la poursuite du programme.


C’est dans ce contexte que le Président Laurent Gbagbo arrive au pouvoir en octobre 2000. Il trouve en place une dette de 7182 milliards de FCFA. On se demande alors comment va-t-il gérer cette dette alors que le pays accuse un taux de croissance négatif.

I- Le contaxte du programme de l’initiative PPTE sous la gouvernance du président Laurent Gbagbo

Il s’agit de présenter rapidement le contexte qui a justifié la relance du programme de l’initiative PPTE de façon générale avant d’aborder la question essentielle des reformes structurelles et sectorielles sous la gouvernance Gbagbo qui ont permis de convaincre le FMI et la Banque Mondiale.


   Dans sa conception, le programme de l’initiative PPTE s’écarte de très loin des modes classiques de traitement de dette des pays du Tiers Monde dans le cadre des politiques de rééchelonnement et des programmes d’ajustements structurels (PAS). Dans la forme, elle offre des conditions plus souples à supporter les charges d’endettement. Les pays pauvres retenus dans ce programme des PPTE devraient, selon les chercheurs du FMI et de la Banque Mondiale, voir ramener le service de leur dette à un niveau supportable et compatible avec leur capacité de remboursement. Ceci entrainera du coup une amélioration certaine de la solvabilité du pays bénéficiaire et les possibilités accrues d’accès à de nouveaux emprunts publics, une accélération probable des investissements et en prime, une stimulation de la croissance pouvant se traduire par une forte réduction de la pauvreté.

    A condition que les pays retenus à ce programme, donnent la preuve qu’ils ont engagé des reformes budgétaires, économiques et sociales et mené une politique économique avisée dans le cadre des programmes appuyés par le FMI et la Banque Mondiale. Ils doivent, en définitive, présenter un DSRP garanti. D’une façon générale, le programme de l’initiative des PPTE, offre au pays débiteur au cours du processus de mise place une réduction du flux du service de la dette entre le point de décision et le point d’achèvement pendant lequel l’annulation du stock de la dette est accordée à travers l’Initiative d’Allègement de la Dette Multilatérale (IADM).


A partir de là, on comprendra comment se déroulent les pressions souterraines des maitres de la haute finance internationale soucieux de soumettre à leurs exigences tout pouvoir politique dans les pays du Tiers Monde car ils ont horreur de l’aspiration des dirigeants de ces pays à toute idée de dignité. Or l’un des principaux axes de la gouvernance Gbagbo est d’œuvrer à une réduction substantielle de l’endettement par la mise en œuvre du programme de l’initiative des PPTE. Gbagbo y par viendra-t-il avec les différentes réformes courageuses engagées, à savoir le budget sécurisé, la restructuration des filières café cacao en juillet 2001 (BCC, ARCC, FGCCC…), l’amélioration du DUS (droit unique de sortie) et le projet de L’AMU (assurance maladie universelle) à soumettre l’initiative des PPTE du FMI et de la Banque Mondiale à la dynamique économique, politique et sociale de la refondation.


Comment le régime de Laurent Gbagbo va-t-il s’y prendre pour son pays ? Surtout qu’après l’éligibilité de la Côte d’Ivoire en 1998, sous la gouvernance Bédié, les relations entre la Côte d’Ivoire et l’ensemble des bailleurs de fonds se sont profondément dégradées. Ils ont même tourné le dos au successeur de leur allié Félix Houphouët-Boigny. Par ailleurs, les effets du coup d’état du général Robert Guéi de décembre 1999 étaient encore très perceptibles sur le tissu politico-économique et social profondément entamé.

A) Les relations de «l’intrus» Gbagbo avec la communauté fiancière internationale

Laurent Gbagbo arrive, comme nous l’avons indiqué plus haut, au pouvoir dans un environnement économique désastreux. De 1990 à 1997, la dette extérieure de la Côte d’Ivoire est passée de 3232 milliards de Francs CFA soit 110% du PIB à 8986 milliards en 1997 soit 150% du PIB. Pendant cette période l’encours de ma dette publique est passé de 4113 milliards à 10.074 milliard de francs CFA en 1997. On le voit bien, le poids de la dette extérieure menace profondément la mise en œuvre du programme de la refondation. Mais l’homme tentera, dès sa prise de pouvoir en 2000, de rétablir les relations de la Côte d’Ivoire avec l’Union Européenne. Pour cela il s’emploie à rembourser sur un an une partie de la fameuse subvention des 18 milliards de FCFA attribuée au départ comme don au ministère de la santé. Une atmosphère nouvelle semble renaître entre les nouvelles autorités de la Côte d’Ivoire et les institutions internationales, ce qui permet de reprendre les négociations concernant l’éligibilité de notre pays à l’initiative PPTE.


   C’est aussi le lieu de préciser les motivations de l’engagement du Président GBAGBO dans ce programme de l’Initiative PPTE perçu hier comme dégradant ou peu honorable pour notre pays par ceux qui attendent aujourd’hui de bénéficier des retombées. Pour coller à une image propre de chez nous, notre pays se trouvait jusque-là dans la situation d’un ancien ministre qui continue d’être traité avec les honneurs dus à son rang. Il lui est alors demandé, dans le cadre du système d’imposition sociale qui a cours dans nos coutumes lors des funérailles ou des activités de développement communautaire des taux de cotisation identiques à celui des ministres en fonction, alors qu’il n’a plus les mêmes moyens financiers. Notre pays est toujours pays à revenu intermédiaire, avec un PIB par habitant supérieur à 380 dollars, mais dont la dette dépassait les trois quarts (3/4) du PIB national.

   Notre pays était tellement endetté qu’il ne pouvait plus supporter les engagements liés à ce rang. Il était donc plus juste, pour le Président Laurent Gbagbo de se battre pour sortir notre pays de ce rang devenu une chaine pour lui. Il valait mieux renoncer à ces honneurs artificiels et encombrants pour revêtir notre habit de pays pauvre très endetté et bénéficier des facilités offertes à ce titre pour sortir de la pauvreté comme d’autres pays autour de nous. A cet égard il est intéressant de retenir que le programme-même de l’Initiative PPTE distingue deux catégories de pays, notamment au titre de l’Initiative d’Allègement de la Dette Multilatérale (IADM) : les pays ayant un revenu annuel par habitant égal ou inférieur à 380 dollars (environ 190000 F CFA) et ceux ayant un revenu annuel par habitant supérieur à 380 dollars.

   Et la Côte d’Ivoire fait partie de cette deuxième catégorie avec aujourd’hui un revenu par habitant égal à 1195 dollars (environ 597000 FCFA)
En homme d’Etat respectueux des principes de bonne gouvernance, le Président Laurent Gbagbo décide de poursuivre, par conviction, les démarches entreprises auparavant par le régime BEDIE. Il s’agit pour lui de recourir aux outils de bonne gouvernance offerts par les bailleurs de fonds eux-mêmes, conscient de la méfiance qu’ils nourrissent à l’égard de sa nouvelle gouvernance.

   En effet, le programme de l’initiative PPTE comporte des « déclencheurs » qui sont des conditionnalités transparentes et qui, lorsqu’elles sont remplies pourraient aider à retrouver la confiance ou à tout le moins le soutien des bailleurs de fonds. Ces conditionnalités sont de trois ordres : une politique macroéconomique satisfaisante, la rédaction et la mise en œuvre d’un document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP) et une gestion rigoureuse des dépenses publiques.


    Instrument central du programme, le DSRP est fondé sur la réalisation de programmes sociaux (dits pro-pauvres) en faveur des plus défavorisés. Il comporte ainsi des axes dont on pourrait dire qu’ils se rapprochent ou ressortent du programme économique du Président GBAGBO ou de la Refondation. On peut citer les axes suivants :
- « Axe 4 : amélioration de l’accessibilité et de la qualité des services sociaux de base, préservation de l’environnement, promotion de l’égalité du genre et de sécurité sociale ;
- Axe 5 : décentralisation comme moyen de participation des populations au processus de développement et de réduction des disparités régionales ; »
C’est donc avec cette conviction tactique et idéologique que le Président Laurent Gbagbo engage dès 2001, des réformes ambitieuses qui séduiront vite l’ensemble des bailleurs de fonds.

B) Le point de décision des PPTE sous la gouvernance Laurent Gbagbo

Comme indiqué plus haut le Président Laurent Gbagbo arrive au pouvoir en 2000 dans un environnement financier international très critique dominé par les graves problèmes de gestion du régime BEDIE ayant conduit à la suspension du programme économique triennal (1998-2000) accordé par le FMI. Cette mise en demeure avait également donné un coup d’arrêt au processus devant conclure au point de décision de l’initiative PPTE.

   Ainsi, malgré tous les efforts considérables liés à la redynamisation de la production agricole, à l’approvisionnement des marchés et au retour de la confiance qui gagne les populations, les partenaires de notre pays rechignent à soutenir les programmes de la refondation. Ce climat de méfiance qui pèse sur l’économie va conduire le gouvernement à élaborer un projet de budget réaliste dans lequel les dépenses sont conformes aux ressources intérieures disponibles.

  Avec ce projet de budget sécurisé, la Côte d’Ivoire gagne un pari important qui exprime clairement sa capacité à compter sur ses propres forces. Le gouvernement adopte pour 2001 un projet de budget établi à 1289,1 milliards de FCFA et qui prévoit un strict équilibre budgétaire, soit 1070,7 milliards de recettes fiscales, 83,1 milliards d’autres ressources extérieures. Au chapitre des dépenses, le service de la dette publique absorbe 292,8 milliards de FCFA dont 251,9 milliards pour la dette extérieure, 731,2 milliards pour les dépenses ordinaires et 260,8 milliards pour les dépenses d’investissement.

    Et pour cause de troubles sociopolitique, le gouvernement fonctionnait par douzième provisoire reconductible sur la base du budget 2000. Toute cette rigueur dans la gestion des ressources de l’état va donner un coup de pouce au budget chaque année dans la mobilisation des recettes. Le budget passe progressivement de 1289,1 milliards de francs CFA à 2529,5 milliard en 2009. Cela est dû au respect strict des principes de bonne gouvernance qui ont permis au régime de Laurent Gbagbo de renouer rapidement avec la communauté internationale.


Il est clair que la stabilisation temporaire de la situation politique, le renforcement du contrôle et la lutte contre la corruption et la mise en œuvre du DSRP ont favorisé l’obtention du point de décision du programme de l’initiative des PPTE le 31 mars 2009. Cette ultime décision fouette tous les espoirs de la Côte d’Ivoire dans la réduction du fardeau de la dette. Avec cette nouvelle gestion de la dette, la Côte d’Ivoire a pu rembourser 36,8 milliards de francs CFA en 2006, 93 milliards en 2007 et 251,8 milliards en 2008 soit un total d’environ 381 milliards jusqu’au 27 Avril 2009. A la fin de 2010 la dette de notre pays a diminué pour retomber à 5748 milliards de F CFA, contre 7182 milliards de F CFA en 2000, soit une baisse de 40%. Le ratio de la dette extérieure par rapport au PIB est tombé également à 16,6% contre 88,7% en 2000.


A la faveur de la normalisation progressive de la situation sociopolitique liée à la signature de l’accord politique de OUAGADOUGOU en mars 2007, la Côte d’Ivoire a réussi a exécuté deux programmes d’aide d’urgence post-conflit (AUPC) conclu respectivement en Août 2007 et en Avril 2008 avec le FMI. La bonne exécution de ces programmes et l’apurement des arriérés envers la Banque Mondiale et la BAD ont permis à la Côte d’Ivoire de bénéficier d’un programme économique et financier sur la période 2009 – 2011 soutenu par la facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FRPC).

 Ce nouveau programme économique et financier triennal ouvre la voie à la Côte d’Ivoire pour engager les négociations entre le Club de PARIS et le Club de LONDRES en vue de l’allégement de sa dette bilatérale d’une part et de sa dette commerciale d’autre part. Ces allégements de dettes attendus des créanciers durant cette période qui court entre le point de décision et le point d’achèvement de l’initiative des PPTE ne porte que sur les flux du service de la dette et sont destinés principalement à résorber le besoin de financement du programme triennal sus indiqué : 2761 milliards de francs CFA en 2009, 364 milliards de francs en 2010 et 373 milliards de francs CFA en 2011. Le besoin de financement résiduel après l’allégement de la dette doit être comblé par les appuis budgétaires des institutions multilatérales (FMI, Banque Mondiale, BAD et l’UE) et des partenaires bilatéraux.


Le processus du programme de l’initiative PPTE après le point de décision n’arrivera jamais à son terme sous la gouvernance Gbagbo. Tout « s’achève » pour le Président Gbagbo avant l’atteinte du point d’achèvement de l’initiative des PPTE et ceci malgré tous ces efforts accomplis pour faire sortir définitivement la Côte d’Ivoire du cercle vicieux de l’endettement extérieur. La gouvernance sous Gbagbo a été marquée par une gestion rigoureuse du budget sécurisé et la mise en œuvre stricte des reformes structurelles et sectorielles pour relancer l’activité économique. Ces performances seront d’ailleurs reconnues par les bailleurs de fonds eux-mêmes au moment de l’atteinte du point d’achèvement. En effet dans son rapport de septembre 2012 n°12/183 le FMI note au titre des réalisations concrètes :


« En 2009, l’économie ivoirienne a tiré avantage de l’amélioration relative de l’environnement sociopolitique, économique et financier. Cette situation a permis au gouvernement (du Président GBAGBO) : de conclure un programme économique et financier appuyé par la Facilité Elargie de Crédit (FEC, ex FRPC) en mars 2009, assorti de l’atteinte du point de décision de l’initiative en faveur des Pays Pauvres Très Endettés (PPTE) ; de bénéficier d’appuis financiers extérieurs contribuant à l’apurement substantiel des arriérés de paiements intérieurs et d’obtenir une restructuration de la dette vis-à-vis des créanciers membres du Club de Paris. »


Le même rapport indique que « l’ensemble des mesures préalables a été exécuté. Elles portaient sur l’élimination des arriérés envers les institutions multilatérales, la production mensuelle de la situation de trésorerie, la publication de la stratégie de l’Etat en matière de négociation pour la restructuration de la dette extérieure, la réduction du Droit Unique de Sortie (DUS) de 220 à 210 F CFA/kg et du droit d’enregistrement de 10% à 5% du prix CAF et la fourniture des rapports provisoires d’audit de la dette de PFO et des contrats issus des cinq conventions de grands travaux d’investissements publics ».

    De même poursuit le rapport « les mesures structurelles ont été principalement orientés vers l’amélioration du recouvrement des recettes et la rationalisation des dépenses. Ainsi, en matière de collecte des ressources, les dispositions prises ont concerné la suspension des exonérations sur le riz importé, l’élimination des recettes fiscales par avance, l’achèvement de l’inventaire des recettes de service, la mise en œuvre du module informatique de transit du Système Informatique de dédouanement Automatique des Marchandises (SIDAM) entre le Port d’Abidjan et certains postes frontaliers (Noé et Takikro) ».


On pourrait continuer à citer ce rapport qui reconnait également que « des actions à impact rapide visant la maitrise des dépenses de l’Etat et l’amélioration des performances de l’administration, ont été entamées en 2009, avec notamment le recensement des effectifs de la fonction publique et l’élaboration d’un plan de réforme de l’administration publique, de la Caisse Générale de Retraite des Agents de l’Etat (CGRAE).
Le rapport note enfin « qu’en Côte d’Ivoire, l’économie a relativement bien résisté aux effets de la crise financière mondiale de 2008. Le taux de croissance du PIB s’est établi à 3,8% en 2009 contre 2,3% en 2008, excédant pour la première fois le croît démographique (2,9%), depuis 1999.».


   Les retombées de toutes ces performances devaient permettre au Président Laurent Gbagbo de mettre en œuvre son programme politique basé sur une économie sociale de marché, dans laquelle l’Etat doit jouer un rôle de régulateur, offrir les mêmes chances à tous les citoyens , avec notamment une scolarité gratuite et obligatoire, un système de protection sociale pour tous. Et les maitres de la communauté financière internationale, qui ont horreur l’aspiration des pays en développement à toute velléité de souveraineté ne pouvaient accepter d’accompagner cette volonté du régime Gbagbo de “dompter“ tout le circuit du programme de l’initiative des PPTE par la mise en œuvre des ingrédients politico-sociaux et économiques de la refondation. Cela a fortement inquiété la France de Sarkozy et ses alliés.


    On retiendra donc que le processus de l’Initiative PPTE a certes commencé en 1998 sous Bédié mais il est largement revenu à la gouvernance Gbagbo d’élaborer les reformes structurelles et de remplir toutes les conditionnalités économiques et financières de 2001 à 2010 malgré la crise politico-militaire que traversait le pays. Avec l’atteinte du point de décision le 31 mars 2009 la Côte d’Ivoire a obtenu avec les créanciers du Club de Paris un accord de rééchelonnement de dette comportant une annulation de dette de 435 milliards de francs CFA et un rééchelonnement de 1820 milliards sur un stock de dette estimé à 2255 milliards.

    Avec le club de Londres, la restructuration de dette dans le cadre de l’initiative PPTE à a favorisé l’annulation de la dette d’environ 287 milliards de FCFA sur un stock estimé à 1435 milliards. Mais tous ces efforts vont se heurter à la méfiance des bailleurs de fonds et des pays de la communauté internationale qui n’acceptaient pas la gouvernance de Gbagbo. Pouvait-il en être autrement?

II) - De la tentative de maîtrise du processus des PPTE à “l’achèvement” de la gouvernance Gbagbo

   Malgré la bonne exécution des programmes financiers de sortie de crise politique et la mise en œuvre réussie des reformes structurelles et sectorielles qui ont conduit a l’obtention du point de décision des PPTE, l’odeur de soufre empoisonne les relations entre la Côte d’Ivoire et les bailleurs de fonds. Déjà en 2010, la rébellion s’active sur le plan diplomatique où elle entreprend une campagne de diabolisation systématique du régime GBAGBO, avec par exemple la propagande sur le travail des enfants dans les plantations de cacao, les assassinats montés de toute pièce pour accuser un supposé « escadron de la mort » qui serait proche du couple présidentiel etc.

   La communauté internationale lui offre visiblement un regard plus attentif. La crise postélectorale déchire définitivement toute ambition de poursuivre avec calme les programmes de lutte contre la pauvreté. Le DSRP dont l’ambition est de renforcer la complémentarité des appareils de production et de réduire la pauvreté par la mise en place progressive d’une politique nationale de développement intégré qui s’inspire de la base de la politique de la refondation va se dérouler sous la stricte surveillance du FMI et de la Banque Mondiale suivant les vielles conditionnalités du marché mondial.

    Le budget sécurisé sera aussi mis sous surveillance en tenant désormais compte des exigences des maitres de la haute finance internationale parce qu’il intervient dans un contexte de chute de l’activité économique et de détérioration continue des finances publiques liée à la faiblesse du recouvrement des recettes internes et à l’absence de régulation des dépenses publiques par rapport à la situation des ressources disponibles.

    De façon générale, cette nouvelle situation va lourdement affecter les ressorts de l’Etat avec une rébellion qui gère pratiquement toutes la moitié Nord du pays où elle lève un impôt spécial géré par une Centrale pendant que ses Représentants sont membres du gouvernement GBAGBO. Ceux-ci détiennent même des postes-clés tels l’agriculture ; le commerce, l’industrie et même l’économie et les finances comme on le découvrira après la chute du régime. Faisant ainsi obstruction à la réussite de la gouvernance GBAGBO. L’activité économique se dégrade fortement. La consommation reste globalement en chute et ceci est dû à la dégradation de l’emploi salarié. Le pouvoir d’achat subit la hausse du prix du pétrole.

   Le secteur bancaire est atteint par le non remboursement des crédits de campagne par des exportateurs véreux. Ce tableau économique peu reluisant malgré l’espoir suscité par l’atteinte du point de décision de l’initiative PPTE annonce déjà aux maitres du monde en joie que la bonne gouvernance sous Gbagbo va “s’achever“ sans qu’il obtienne en retour le fruit de ses efforts. Ainsi, le point d’achèvement du programme de l’initiative PPTE est octroyé gracieusement à Alassane Ouattara en juin 2012.

    Et c’est en réalité pour ramener la Côte d’Ivoire dans le giron glacial du marché financier mondial comme on le découvre dans un document du groupe de la Banque Africaine de Développement (BAD) intitulé « Côte d’Ivoire : Point d’achèvement au titre de l’initiative PPTE renforcée » de septembre 2012. Cette note écrit en effet au titre de l’évaluation des déclencheurs du point d’achèvement :


« Au moment où la Côte d’Ivoire a atteint le point d’achèvement, il a été convenu (entre le pays et les institutions de Bretton Woods) que le pays devait réaliser 13 déclencheurs répartis en six catégories pour atteindre le point d’achèvement au titre de l’allègement irrévocable de la dette. Il s’agit notamment de : i) la mise en œuvre du DSRP ; ii) le maintien de la stabilité macroéconomique ; iii) la mise en œuvre des réformes en matière de gestion des finances publiques ; iv) l’amélioration des secteurs sociaux ; v) la gestion rationnelle de la dette ; et vi) la réforme de la gouvernance. Selon l’évaluation qui a été entreprise, la Côte d’Ivoire a pleinement rempli huit des 13 conditions requises pour atteindre le point d’achèvement de l’Initiative PPTE.

    Les déclencheurs qui ont été réalisés sont notamment : la mise en œuvre et le suivi du DSRP ; le maintien de la stabilité macroéconomique ; la gestion des finances publiques et la passation de marchés, sauf dans les domaines pour lesquels une dérogation a été accordée ; deux déclencheurs relatifs à la santé et à l’éducation ; et deux déclencheurs ayant trait à la gouvernance, notamment la réforme de la filière café, sauf dans les domaines pour lesquels une dérogation a été accordée.

    Des progrès satisfaisants sont enregistrés pour les cinq déclencheurs restants qui n’ont pas été réalisés/satisfaits en raison de la crise post-électorale (à savoir : la publication, chaque trimestre sur le site Web du Trésor, des données sur la dette publique ; la publication annuelle des états financiers certifiés de la PETROCI ; la publication de rapports trimestriels sur l’exécution du budget ; la certification, par l’autorité compétente, de la conformité du projet de loi de règlement ; et la publication, sur une base trimestrielle dans le bulletin de la passation de marchés, de la liste de tous les contrats signés et de tous les contrats de concession conclus).

   Les Conseils du FMI et de l’IDA ont accordé une dérogation pour ces déclencheurs restants, compte tenu des progrès notables enregistrés. » Et la Banque de se résigner en ajoutant « la Banque a contribué plus que l’allègement de la dette à consentir au point d’achèvement. Par conséquent, il ne sera accordé aucun allègement de dette au point d’achèvement à la Côte d’Ivoire ».

Conclusion

Par conviction politique, Laurent Gbagbo a travaillé pour permettre à la Côte d’Ivoire de bénéficier de l’Initiative en faveur des Pays Pauvres Très Endettés. Il était loin de croire qu’elle était une panacée pour sortir le pays de la pauvreté, mais était-il réellement en mesure de l’exploiter à sa guise ? Jusqu’où pouvait-il aller ? Comme il le prévoyait déjà il s’agissait avant tout de parvenir à effacer le stock de dette qu’il avait trouvé sur place et dont le remboursement (auquel il ne voulait pas se dérober) l’empêchait vraiment de travailler. Dans cette entreprise de l’allègement de la dette, la France, la puissance colonisatrice joue un rôle de premier plan.

    Elle demeure celui qui tire les ficelles ou actionne le levier dans le sens même de ses intérêts. Aujourd’hui, même après avoir donné la gouvernance du pays à ses suppôts elle manœuvre pour mieux contrôler la gestion de cet allègement de la dette à travers son fameux contrat de « désendettement-développement ». Selon le ministre Koné Katina, contrairement à l’ensemble des pays créanciers membres du club de paris, << la France n’annulera pas immédiatement la dette.

    Elle conclut un contrat de désendettement – développement (C2D) d’une durée renouvelable de 15 ans aux termes desquels le service de la dette doit normalement être payé. A l’issue du remboursement de l’échéance, la France délivre son allègement de dette à travers le reversement au pays débiteur d’une partie du montant reflet. Ce montant est reversé sur un compte spécial afin de financer les projets sélectionnés par les deux parties( ?) et à réaliser dans le pays débiteur dans le cadre de l’initiative PPTE>>.


     

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La France en décidant de joindre tout seul cette lourde convention qui détermine les conditions d’utilisation de ces fonds dans ce cadre du C2D, maintient sa domination sur les pays débiteurs. On comprend alors aisément les raisons pour lesquelles de nombreux pays qui on franchit le point d’achèvement, le Mali, le Burkina Faso, le Bénin, la Mauritanie et le Cameroun peinent encore a sortir la tête de l’eau. Qu’adviendra-t-il de la Côte d’Ivoire qui vient de signer son premier contrat de désendettement et de développement (C2D) avec la France depuis décembre 2012 pour une durée de 20 ans sur un montant de 413,25 milliards de francs CFA en vue de financer des projets dans l’éducation, l’agriculture, les infrastructures de transport etc.….


    Malgré l’espoir suscité par ce programme des PPTE en juin 2012 au moment de l’atteinte du point d’achèvement, la Côte d’Ivoire continue de tendre la main au marché financier international. Et comme l’exprime encore le ministre Koné Katina, << l’emprunt obligataire, lancé trois mois après le pont d’achèvement, démontre le peu d’influence du programme des PPTE sur la santé financière du pays et la pluie de milliards de francs CFA n’a été qu’une tornade ayant emporté tout sur son passage.

    A ce rythme, la dette de la Côte d’Ivoire atteindra très rapidement le même niveau qu’avant l’allégement sans effet sur la réduction de la pauvreté>>. Il faut en déduire qu’en définitive, le programme des PPTE, à l’instar des autres outils d’allégement de dette (PAS) maintient les pays pauvres qui n’aspirent pas à la souveraineté nationale et à la dignité dans le cercle vicieux de la servitude politique et économique.


Une Contribution Maurice Lohourignon



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Commentaires
A
Lorsque le politique subit le poids de l'économique on assiste à la perte de la souveraineté nationale.
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