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LE COMBATTANT
13 décembre 2016

INTERVIEW DU PRÉSIDENT LAURENT GBAGBO AU JOURNAL FIGARO

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LE FIGARO. - La Cédéao a menacé d'utiliser la force si vous ne renonciez pas au pouvoir. Prenez-vous cette annonce au sérieux ?

Laurent GBAGBO. - Toutes les menaces doivent êtres prises au sérieux. Mais, en Afrique, ce serait bien la première fois que des pays africains seraient prêts à aller en guerre contre un autre pays parce qu'une élection s'est mal passée ! Regardez un peu la carte de l'Afrique, regardez où ça se passe plus ou moins bien, ou plus ou moins mal, et regardez là où il n'y a pas d'élection du tout. Si on devait aller en guerre dans tous ces cas-là, je crois que l'Afrique serait perpétuellement en guerre. Donc je prends au sérieux les menaces mais je reste tranquille. J'attends de voir.

Vous ne croyez donc pas à la possibilité d'une intervention militaire ?

Les gens peuvent déraper. Mais ils ont aussi décidé de m'envoyer une délégation. On aurait dû commencer par là. On aurait économisé beaucoup de malentendus. Il faut venir voir ce qui se passe en Côte d'Ivoire. Quand on a vu, alors on prend une décision. Ici, nous avons des lois, nous avons une Constitution, des règles. C'est ça qui fait une élection, comme dans tous les pays modernes. Et selon cette Constitution, c'est moi qui suis élu président de la République de Côte d'Ivoire. C'est tout, et c'est simple.

Est-ce pour vous la condition préalable à une solution pacifique ?

Je ne pose jamais de préalable à une discussion. Il faut aller au fond des choses. Moi je constate que les règles en vigueur dans ce pays, qui n'ont jamais été discutées par qui que ce soit, font que je suis président de la République. Je mettrai ça sur la table. Avant, personne ne se plaignait du Conseil constitutionne

Outre la Cédéao, l'organe financier régional, l'Umoa, a décidé de transférer une partie des pouvoirs à Alassane Ouattara…

C'est gênant, mais il y a toujours une solution. Dans ce domaine qui est très délicat, il faut mieux ne pas parler. Mais ce n'est pas la Banque centrale africaine qui paye les salaires des fonctionnaires. C'est l'argent de la Côte d'Ivoire. La décision de l'Umao n'a aucun sens.

Vous mettez aussi en cause l'objectivité de l'ONU, dont vous demandez le départ. Comment comptez-vous forcer l'Onuci à partir ?

Je l'ai dit. J'ai demandé ce départ par voie diplomatique et nous l'obtiendrons par voie diplomatique. On va discuter. Ce n'est pas par la guerre que l'on va obtenir cela. Ici, l'ONU et son chef se sont montrés partisans. Or l'ONU devait être une force impartiale. Ces forces sont maintenant partisanes, on se demande ce qu'elles font là.

Vous vous sentez victime d'un complot ?

Avant qu'on aille aux élections, j'avais demandé que l'accord de Ouagadougou soit appliqué. Si j'ai fait ma part, je demande que les autres fassent leur part en désarmant. Cela n'a pas été fait. Puis tout le monde s'entête pour que l'on vote quand même. Là, on peut parler du début du complot. On me dit : le désarmement, ce n'est pas très grave et moi-même je n'avais pas de raison de douter des rebelles avec lesquels je gérai la sortie de crise et qui se comportaient de façon loyale. Je ne pensais pas qu'ils utiliseraient les armes pour pervertir les élections à venir. Ensuite les institutions sont en place. Elles proclament le résultat et là tout le monde dit que c'est Alassane Ouattara qui est reconnu…

Qui sont les acteurs de ce complot ?

C'est surtout l'ambassadeur de France et l'ambassadeur des États-Unis. (…). Ils sont allés chercher Youssouf Bakayako, le président de la Commission électorale indépendante, pour le conduire à l'hôtel du Golf qui est le quartier général de mon adversaire. Là-bas, alors qu'il se trouve hors délais et tout seul, ce qui est grave, on apprend qu'il a dit à une télévision que mon adversaire est élu. Pendant ce temps-là, le Conseil constitutionnel travaille et dit que Laurent Gbagbo est élu. À partir de là, Français et Américains disent que c'est Alassane Ouattara. C'est tout ça que l'on appelle un complot.

C'est le discours que vous tiendrez mardi à la délégation de chefs d'État envoyée en Côte d'Ivoire par la Cédéao ?

Ce sont les faits ! Et je dirai les faits en toutes circonstances ! Je ne cherche pas à convaincre. Je leur dis de vérifier la matérialité des faits. Quand les gens se détachent des faits, c'est qu'ils ne veulent pas la vérité. Je ne comprends pas pourquoi ils cherchent à créer un conflit, (…) pourquoi ils poussent à un affrontement interne.

Le porte-parole du gouvernement évoque un risque de guerre civile si la Cédéao intervient, un risque pour les communautés étrangères, africaines et européennes, vivant en Côte d'Ivoire…

S'il y a un désordre intérieur, une guerre civile, il y aura des risques, car nous n'allons pas laisser piétiner notre droit, notre Constitution, ça il faut que cela sorte de la tête des gens. Nous n'avons pas peur. C'est nous qui sommes agressés. C'est nous qui avons le droit pour nous. Jusqu'où ceux qui nous agressent sont-ils prêts à aller ? Quand j'ai été attaqué en 2002, nous n'avons vu ni la France, ni les États-Unis, ni la Cédéao prendre la moindre sanction. Les agresseurs de l'époque étaient connus. Tout le monde était sourd et muet, comme les singes de la parabole. Ce qui se passe aujourd'hui est la continuation de l'agression de 2002. Aujourd'hui ils retrouvent tous la parole et ils disent «haro sur Gbagbo». Mais Gbagbo, il a le droit avec lui !

L'ONU parle tout de même de 173 morts dans des affrontements, de cas d'enlèvements, d'exécutions extrajudicaires…

En 2000, quand j'ai pris le pouvoir, les mêmes gens avaient sorti des histoires de charnier à Yopougon, des assassinats. On avait demandé à l'ONU de faire une enquête. Il y avait eu un rapport. Le fond du débat aujourd'hui, c'est : qui est élu ? Et comme on ne veut pas de ce débat, on glisse vers les entraves aux droits de l'homme, les assassinats. Il faut constater la similitude entre 2000 et 2010. Je vais demander au ministre de la Justice d'ordonner des enquêtes. On n'a pas peur de ce débat.

La CPI pourrait-elle se joindre à cette enquête ?

Lors des discussions de paix de Marcoussis en janvier 2003, un chef d'État voisin, qui vient d'être réélu à 80 %, avait déjà dit que je devais être livré à la CPI. C'était succulent venant de lui. Peut-être aurais-je dû me faire élire à 80 %, j'aurais été moins suspect. Aujourd'hui, en 2010, c'est le même scénario. Je ne suis pas surpris. Il y a un complot qui vise à installer Ouattara au pouvoir.

Des pays africains aussi, comme le Nigeria, demandent votre départ…

Je ne veux pas parler de cela. Dans les réunions des pays africains, les représentants des pays occidentaux sont plus nombreux dans les couloirs que les Africains. Les pressions sont énormes. On n'en peut plus. Et quand on subit ce que je subis, on se dit que Mugabe (toujours président du Zimbabwe, malgré sa défaite aux élections, NDLR) n'avait pas totalement tort.

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